les nabis (hébreu nabi, prophète)
Les artistes qui se désignent du nom de « nabis » (mot d'origine biblique signifiant « prophètes », « hommes inspirés ») sont les membres d'un groupe constitué à Paris en 1888 et dispersé vers 1900. Ils unissent l'influence de Gauguin à celle des estampes japonaises. Couleurs sourdes en aplats, lignes sinueuses, humour caractérisent le style nabi, qui fut pratiqué pendant une dizaine d'années. Des étrangers, tel Vallotton, ont appartenu au groupe, qui s'est intéressé à tous les arts plastiques et graphiques, à la céramique, au vitrail, au décor de théâtre.
1. LE GROUPE
Le groupe des nabis comprend Paul Sérusier, Maurice Denis, Pierre Bonnard, Paul Ranson (1861-1909), Henri Gabriel Ibels, Ker Xavier Roussel, Édouard Vuillard et René Piot (1869-1934), auxquels s'associent souvent Félix Vallotton, Georges Lacombe (le « nabi sculpteur », 1868-1916), Aristide Maillol, Armand Séguin (1869-1903), le Danois Mögens Ballin (1871-1914), le Hongrois József Rippl-Rónai (1861-1927), le Néerlandais Jan Verkade (1868-1946).
Sérusier est le fondateur du groupe : ses camarades sont presque tous, comme lui, issus de l'atelier de Gustave Moreau, ou bien anciens élèves de l'académie Julian ou de l'École des beaux-arts. Il apporte son expérience de l'école de Pont-Aven, groupement épisodique qui doit son intérêt à la rencontre, en Bretagne, à Pont-Aven, de Paul Gauguin avec le peintre et théoricien Émile Bernard. Sérusier a exécuté en 1888, d'après les indications de Gauguin, un tableau intitulé le Talisman ou Paysage du bois d'Amour. Ainsi naît le groupe, d'une adhésion enthousiaste aux théories de Gauguin et de ses proches.
Les nabis tiennent leurs premières réunions dans un cabaret du passage Brady et chez Paul Ranson, puis ils se réunissent périodiquement dans les locaux de la Revue blanche, dirigée par Alexandre Natanson et son frère Thadée, qui sont parmi leurs premiers mécènes. Dès 1891, ils exposent régulièrement avec des impressionnistes et des symbolistes à la galerie Le Barc de Boutteville, puis aux Salons d’automne, des indépendants et des arts décoratifs, de la libre esthétique de Bruxelles pour certains d’entre eux. En 1896-1897, le succès de la plupart des nabis est concrétisé par le soutien des galeries Bernheim-Jeune, Ambroise Vollardet Durand-Ruelnotamment.
2. LE RÔLE CENTRAL DE L'ESTAMPE...
Les principales caractéristiques du style nabi résident dans l'emploi des couleurs en aplats – cloisonnées ou cernées par des couleurs plus sombres –, le synthétisme de la facture et l'absence quasi complète de perspective, ainsi que dans un goût très marqué pour l'arabesque et les volutes, sous l'influence des estampes japonaises. Cette prédilection pour des formes contournées et dynamiques a des analogies avec celle d'autres artistes de la fin du xixe siècle et du début du xxe siècle, dont l'esthétique est désignée sous le nom d'Art nouveau.
Le symbolisme est, d'autre part, une source d'inspiration pour les nabis, qui doivent beaucoup à la lecture et à la fréquentation des écrivains et des poètes symbolistes, et, plus encore, à la connaissance d'artistes comme Odilon Redon, Eugène Carrière et Pierre Puvis de Chavanne. Les nabis retiennent de l'œuvre de ces trois artistes le sens de la composition décorative : arbres-colonnes et silhouettes des personnages adaptées au décor environnant (Puvis de Chavannes), emploi des noirs avec ou sans dégradés dans la lithographie et la peinture, palette de couleurs restreintes, formes vagues ou indéterminées (Carrière et Redon). Cela n'empêche pas les nabis d'utiliser tout de même les tons vifs, qu'affectionneront quelques années plus tard les fauves.
3.... ET DE LA DÉCORATION
Les nabis contribuent aussi – par passion pour la décoration – à faire renaître l'intérêt et la pratique des métiers artisanaux (arts du feu, tapisserie, illustration de livres et de programmes de théâtre, etc.). C'est ainsi que Paul Ranson, comme Maillol, exécute de remarquables cartons de tapisseries et Maurice Denis des céramiques, conseillé et guidé par de grands praticiens comme Ernest Chapelet (1835-1909) ou André Méthey (1871-1920). La plupart des nabis créeront des décors pour le théâtre de l'Œuvre, fondé en 1893 par leur ami A. M. Lugné-Poe.
Nourri de recherches expérimentales, mais plein de fantaisie et de fraîcheur (surtout dans les peintures murales de Vuillard, de Bonnard et de Roussel), le style décoratif des nabis n’exclut pas un parti pris de réalisme bourgeois dans les sujets traités : scènes de jardins publics et de rues, intimités délicates et intérieurs cossus, monde du théâtre et du cirque.
4. EXPÉRIENCES ARTISTIQUES ET MYSTIQUES
Les artistes du groupe sont des bourgeois travaillant pour leur classe sociale, mais ils sont ouverts à toutes les innovations et ne dédaignent pas la turbulence. Aussi, le groupe accueille les leçons de Paul Cézanne, comme le proclame Maurice Denis dans son Hommage à Cézanne, tableau de groupe peint en 1900.
Il faut signaler, également, les essais de transposition dans le domaine pictural de la musique de l'époque, surtout de la part de Maurice Denis et de Paul Sérusier.
Les nabis sont aussi à l’origine de la renaissance de l’art religieux grâce à l’action de Maurice Denis, de Sérusier et de Verkade, fervents catholiques. Leurs relations – par l’entremise de Verkade — avec l’école d’art de l’abbaye de Beuron (Allemagne) ont été d’une importance capitale, bien qu’elles soient encore mal définies. La théosophie y a joué un grand rôle. En 1919, cette action s’est concrétisée par la fondation des Ateliers d’art sacré par Maurice Denis et Georges Desvallières (1861-1950).
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Nabi (peinture)
Le mouvement nabi (dont les membres sont les nabis) est un mouvement artistique postimpressionniste d'avant-garde, né en marge de la peinture académique de la fin du xixe siècle et du début du xxe siècle.
Nabi est le nom que se sont donné les jeunes peintres qui se regroupent autour de Paul Sérusier, vers 1888. Le terme nabi, en arabe, ou nebiim, en hébreu, signifie dans un sens actif
orateurou
annonciateur, ou, dans un sens passif,
celui qui est ravi dans une extaseou
appelé par l'esprit. En Occident, nabi a été traduit par
prophète,
illuminé, ou encore
celui qui reçoit les paroles de l'au-delà,
l'inspiré de Dieu.
Ce cercle nait d'une controverse autour d'une peinture de Paul Sérusier, Le Talisman, l'Aven au Bois d'Amour, réalisée sous la direction de Paul Gauguin, rencontré en Bretagne à Pont-Aven, durant l'été 1888. Gauguin encourage Sérusier à se débarrasser de la contrainte imitative de la peinture, à user de couleurs pures et vives, à ne pas hésiter à exagérer ses visions, et à donner à ses peintures sa propre logique décorative1 et symbolique.
Lorsque Sérusier revient à Paris, son tableau fait naître des débats enflammés avec les autres étudiants de l'Académie Julian et de l'École des Beaux-Arts, sur le rôle sacré de l'art et de la peinture. Sérusier forme le groupe des nabis2, avec ses proches amis, Pierre Bonnard, René Piot, Henri-Gabriel Ibels, Maurice Denis, Édouard Vuillard, Ker-Xavier Roussel, Paul Ranson. En 1891, le Hollandais Jan Verkade, en 1892, le Suisse Félix Vallotton, puis Georges Lacombe, Mogens Ballin, József Rippl-Rónai, Charles Filiger, Adolf Robbi, ainsi que le sculpteur Aristide Maillol3, les rejoignent.
Ils se donnent tous un surnom, signe de leur initiation4 et paraphent les lettres qu'ils échangent du sigle ETPMVMP (« En ta paume mon verbe et ma pensée ») :
- Paul Sérusier : « le nabi à la barbe rutilante », ou « le bon nabi », ou encore « nabi boutou coat » (le nabi aux sabots de bois en breton).
- Pierre Bonnard : « le nabi très japonard ».
- Paul-Elie Ranson : « le nabi plus japonard que le nabi japonard ».
- Maurice Denis : « le nabi aux belles icônes ».
- Édouard Vuillard : « le nabi zouave ».
- Henri-Gabriel Ibels : « le nabi journaliste ».
- Jan Verkade : « le nabi obéliscal ».
- Mogens Ballin : « le nabi danois ».
- Georges Lacombe : « le nabi sculpteur ».
- József Rippl-Rónai : « le nabi hongrois ».
- Félix Vallotton : « le nabi étranger ».
Le mouvement ne dure que quelques années. Les nabis, vers 1900, prennent des voies différentes. Il faut toutefois préciser que l'appellation "nabi" n'aura jamais été publique ni revendiquée lors des expositions de ces artistes à l'époque. Son usage courant dans l'historiographie ne date que des années d'après la Seconde Guerre mondiale et ne connaît une plus grande diffusion qu'à partir des années 1980. En effet, au XIXe siècle, le terme est utilisé entre eux par les peintres, non sans une certaine distance, voire avec humour, et il ne recouvre pas non plus une spiritualité réelle ou commune, ni une véritable société rituelle. Ainsi le Portrait de Paul Ranson en tenue nabique par Sérusier (Paris, musée d'Orsay), est-il purement fantaisiste.
Caractéristiques
En réaction à l'impressionnisme, au naturalisme, les nabis veulent libérer leur peinture des exigences du réalisme, comme Henri-Gabriel Ibels a pu l'écrire :
Ensemble, nous avons méprisé l'école et les écoles, les rapins, leurs traditions, leurs farces et leurs bals inutilement nudistes. Ensemble nous nous sommes sérieusement amusés.
Détachés ou non du christianisme, les artistes nabis cherchent des voies plus spirituelles au contact de philosophies et de doctrines nouvelles teintées d'Orient, d'orphisme, d'ésotérisme et de théosophie5. Ils s'appliquent à retrouver le caractère « sacré » de la peinture et à provoquer un nouvel élan spirituel au moyen de l'art6.
L'art des nabis qui continue celui de l'école de Pont-Aven, de Gauguin, de Van Gogh, de Cézanne, et d'Odilon Redon, s'imprègne, comme les œuvres des musiciens de leur époque, Satie et Debussy, d'orientalisme et de japonisme, notamment au travers des ukiyo-e parus dans la revue Le Japon artistique. Vuillard a possédé une importante collection d'objets japonais7. Ils se sont nourris des textes de sagesse orientale et des ouvrages ésotériques et
occultisants, fort en vogue à l'époque.
Bibliographie
- Claire Frèches-Thory et Antoine Terrasse, Les Nabis, Flammarion, 1990; nouv. éd. mise à jour, 2003, 319 p.
- Claude Jeancolas, La Peinture des Nabis, FVW Édition, 2002, 220 p.
- Céline Julhiet (dir.), Nabis 1888-1900, catalogue de l'exposition du Grand Palais, Munich/Paris, Prestel-Verlag/Éditions de la Réunion des musées nationaux, 1993, 512 p.
Articles connexes
Liens externes
- Musée Maurice Denis, aussi appelé le Prieuré, l'ancienne maison-atelier du peintre à Saint-Germain-en-Laye abrite de nombreuses œuvres de nabis.
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http://www.regards.fr/IMG/pdf/peinture_les_nabis.pdf
http://www.regards.fr/IMG/pdf/peinture_les_nabis.pdf
Peinture
Les nabis, prophètes d’un art nouveau • Céline Delavaux • Publié le 11/03/2019.
Les nabis, prophètes d’un art nouveau • Céline Delavaux • Publié le 11/03/2019.
A la fin des années 1880, à Paris, une bande de très jeunes artistes décide, sous le nom de
“nabis” — “prophète” en arabe ou hébreu —, de délaisser la peinture de chevalet pour
s’attacher à tous les arts, du théâtre aux décors et accessoires de la vie quotidienne. Le musée
du Luxembourg se penche sur cette histoire.
En 1889, Maurice Denis (1870-1943) n’a que 19 ans, Pierre Bonnard (1867-1947), 22 et
Edouard Vuillard (1868-1940), 21. Ces trois-là, qui se connaissent de l’Académie Julian,
décident de former un petit groupe de dissidents sous le nom de « confrérie des nabis », un
terme dérivé de l’arabe nabi, ou de l’hébreu nebiim qui signifie « celui qui est ravi par
l’extase ». Pour obtenir cet état de grâce, ils prônent un art nouveau en rupture avec
l’impressionnisme, jugé trop réaliste. Ils lui préfèrent le symbolisme et se mettent à travailler
à partir de leur mémoire et de leur imaginaire aux dépens de l’observation directe. Ces jeunes
peintres défendent également l’idée que l’art doit entrer dans le quotidien ; ils investissent
bientôt d’autres supports que la toile du tableau : paravents et éventails, tapisseries, papiers
peints, vitraux et céramique.
Une autre révolution
En 1889, à Paris, se tient aussi la fameuse Exposition universelle qui célèbre le centenaire de
la Révolution. Les nabis s’y rendent, ignorent apparemment la toute nouvelle tour Eiffel, mais
tombent en arrêt devant les tableaux de Paul Gauguin. C’est alors une autre révolution qu’ils
fêtent : celle des couleurs lisses et puissantes, des formes simplifiées et juxtaposées, cernées
de noir, sans ombre ni perspective. Ils y reconnaissent l’influence des estampes japonaises
qu’ils collectionnent déjà, de l’imagerie populaire et de la stylisation romane. Gauguin sera le
grand modèle des nabis.
Mais un autre domaine apte à « décloisonner les arts » les attire aussi : l’aventure nouvelle qui
se joue à la même époque au théâtre. C’est au lycée que Maurice Denis et Edouard Vuillard
commencent à fréquenter Aurélien Lugné-Poe, qui se révèle déjà passionné par la scène
comme acteur et metteur en scène. En 1891, les jeunes gens découvrent une pièce symboliste
de Maurice Maeterlinck lors d’une représentation donnée au bénéfice du peintre Paul
Gauguin…
Deux ans plus tard, Lugné-Poe et Vuillard fondent le Théâtre de l’Œuvre, une scène
expérimentale à laquelle collaborent nombre de nabis. Vuillard trouve le nom, Bonnard
dessine le logo. L’Œuvre va jouer des pièces engagées d’auteurs nordiques, tels Henrik Ibsen
et August Strindberg, et dévoiler de jeunes auteurs français, tel Alfred Jarry et son Ubu roi.
Aux heures des attentats anarchistes et de l’affaire Dreyfus, le théâtre de l’Œuvre sera
régulièrement inquiété par la préfecture de police pour son côté cosmopolite forcément
séditieux…
Abolition des frontières
Pendant cinq ans, Vuillard y déploie une intense activité de scénographe et de décorateur ; il
illustre aussi les programmes, tout comme Denis et Bonnard ou, dans d’autres styles, Edvard
Munch (1863-1944), alors à Paris, et Toulouse-Lautrec (1864-1901). Au service de ce théâtre
symboliste qui met au jour les tensions des relations familiales et l’irréductible solitude
humaine, Vuillard innove : fini le cube naturaliste du décor au profit de révolutionnaires plans
inclinés et d’éclairages suggestifs. L’atmosphère lourde et inquiétante qui règne dans ces
drames inspire aussi son univers pictural. Les scènes d’intérieur dans lesquelles le peintre
excelle sont de véritables petits drames de la vie quotidienne où les personnages s’affairent à
leurs tâches domestiques dans une ambiance parfois mélancolique, voire inquiétante. On y lit
aussi tout l’intérêt de Vuillard pour les éléments de la scénographie : rideaux, tapisseries et
papiers peints aux motifs et matières magnifiquement traités y tiennent une place de choix.
Vuillard, qui a mené de pair ses activités de scénographe-décorateur et de peintre au début de
sa carrière artistique, incarne cette volonté propre aux nabis d’abolir les frontières entre
beaux-arts et arts appliqués. Il va également importer les techniques acquises au théâtre dans
la décoration d’intérieur, privilégiant la peinture à la colle plutôt que l’académique peinture à
l’huile…
En 1893, il reçoit sa première grande commande pour l’hôtel particulier d’Alexandre
Natanson, éditeur de La Revue blanche, soutien du Théâtre de l’Œuvre. Vuillard choisit un
sujet moderne, « Jardins publics », dont il peint des scènes sur de grands panneaux décoratifs.
Cet ensemble, présenté en ce moment au musée du Luxembourg, à Paris, à l’occasion de
l’exposition Les nabis et le décor, va faire sa réputation de peintre décorateur et le faire
connaître du grand public.
Les nabis et le décor, du 13 mars au 30 juin, musée du Luxembourg.
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