REMBRANDT ET LE PORTRAIT DE COUPLE.
L’art du portrait en Hollande Lire aussi le très intéressant article sur la mode néerlandaise du Siècle d’Or : Herman Roodenburg, « Vers une histoire vraiment culturelle de la mode : l’exemple de la peinture néerlandaise au XVIIe siècle », Apparence(s) Numéro 2, 2008, mis en ligne le 28 août 2008, http://apparences.revues.org/index783.html
Les premiers portraits sont peints en pays flamand à partir du début du XVe siècle et représentent des donateurs, des membres de la haute société, des princes et de dignitaires religieux en position de dévotion (cf. Chanoine Van der Paele) afin d’entretenir le souvenir après leur mort. Les portraits individuels sécularisés (homme au turban de Van Eyck…) devient un véritable genre aux Pays-Bas XVIe siècle. La bourgeoisie multiplie les commandes favorisant l’émergence d’un genre très prisé, dont le siècle d’or constitue l’apogée, certains peintres en faisant même leur spécialité. La prodigieuse production de portraits du XVIIe siècle hollandais, au point que « siècle d’or » rime avec « âge d’or du portrait », s’explique par l’essor économique des Provinces-Unies. Le pouvoir se déplace progressivement vers la classe des « régents » dont l’influence ne cesse de croître dans les villes. Conscients de leur rang, les bourgeois commandent des portraits à l’occasion de principales étapes de la vie : fiançailles, mariage, naissance des enfants, nomination aux fonctions prestigieuses… Les peintres rivalisent d’ingéniosité pour personnaliser le portrait de leurs clients, pour le rendre plus original. Portraits de groupe (comme les banquets des milices), portraits individuels, portraits de couples et doubles portraits, portraits en pied grandeur nature, bustes, petits formats et grands formats. Le succès du portrait, comme celui du paysage au XVIIe semble paradoxal puisque Karel Van Mander dans son ouvrage théorique « Le Livre de la Peinture » les qualifie de « genres secondaires » par rapport à la grande peinture historique.
Voir analyse de l’exposition : Dutch portraits. The Age of Rembrandt and Frans Hals (Le portrait hollandais à l’époque de Rembrandt et de Frans Hals). Londres, National Gallery , du 27 juin au 16 septembre 2007. Puis La Haye, Mauritshuis, du 13 octobre 2007 au 13 janvier 2008.
Il existe deux types de portraits de couples :
– deux portraits séparés, l’homme étant toujours à la droite de la femme
– un double portrait sur le même tableau. Le double portrait est un exercice difficile pour l’artiste car il devait peindre à la fois chaque individu et en même temps animer les figures pour créer une complicité. Frans Hals a peint par exemple un magnifique double portrait (probablement de mariage) en 1622 :
Frans Hals (1582/1583-1666) Portrait d’Isaac Massa et de Beatrix van der Laen, vers 1622, Huile sur toile – 140 x 166,5 cm Amsterdam, Rijksmuseum.
On remarque plusieurs éléments audacieux :
– les visages du couple sont très souriants (alors que ça ne se faisait pas dans la société calviniste),
– le paysage lumineux ( : Jardin d’amour avec plein de symboles de fidélité et d’amour) promesse d’une vie heureuse,
– le bras de la jeune femme posé de manière très relâchée sur l’épaule de son mari.
Malgré cela, Frans Hals semble ici plus préoccupé par la plastique, la surface du tableau, l’individualisation de chaque personnage que par la relation entre les jeunes époux. C’est cette dernière que Rembrandt met en scène dans ces deux portraits de couples (qu’on peut aussi qualifier de « portraits parlants ») : Jan Rikcjsen et son épouse Griet Jans dit Le constructeur de bateau, 1633, huile sur toile, 111×166 cm, collection royale, Buckingham Palace, Royaume Uni.
Peint un an après la leçon de Tulp, on remarque dans progrès importants dans le rendu de certains détails, dans la composition et la construction de l’espace pictural. Jan Rikcjsen est une personnalité connue à Amsterdam, on dispose de sa déclaration de revenus en 1631 comme résidant du quartier Rapenburg.
Le Ministre mennonite Cornelis Claesz Anslo et son épouse Aeltje, 1641, huile sur toile, 176×210 cm, Berlin,-Dahlem, Gemäldegalerie.
Sur ces deux chefs d’oeuvre voir aussi plus loin.
Quels sont partis pris de Rembrandt dans ces deux portraits ?
Représenter la relation du couple dans une situation du quotidien intime avec beaucoup de réalisme. C’est une des grandes tendances de Rembrandt de « brouiller les pistes », de décloisonner les genres en mélangeant ici portrait de couple et scène de genre puisque Great entre dans le bureau de son mari et lui tend un papier. Le costume des personnages est très sobre (et sombre) comme dans la leçon d’anatomie, l’oeil n’est pas distrait par sa richesse et peut se concentrer sur la scène d’intimité du couple. Aucun cérémonial, aucune solennité ne raidit les modèles ici.
Le contexte de 1632-36 : nous sommes au début de la carrière de Rembrandt à Amsterdam. En 1628, Van Uylenburgh, marchand mennonite (sa maison était un lieu de formation de peintres et graveurs, de production et de vente de peintures et de gravures originales, de reproductions et de copies de grands maîtres) voyage à Leyde et achète des Rembrandt. Rembrandt lui aurait prêté 1000 florins c’est ce qui expliquerait qu’en retour Uylenburgh l’accueille dans sa maison, Sint Anthonisbreestraat, en 1631 et lui offre une clientèle importante. Mais il lui permet aussi de faire partie de la Guilde des peintres d’Amsterdam (dite de Saint L uc) car il fallait deux ans d’exercice pour y avoir accès. Rembrandt apporte avec lui une véritable ruche d’assistants et d’élèves de sorte que la Maison Uylenburgh devient un centre de production artistique intense.
Deux images de l’atelier de Rembrandt ( le « petit atelier ») où l’on remarque que le portrait était souvent confié au moins en partie à des élèves (selon l’importance du commanditaire). Filippo Baldinucci, le biographe de Rubens l’avait qualifié de « Famosa Academia de Eulenborg » (en pensant au modèle de l’Académie de Carrache à Bologne). La leçon d’anatomie de Tulp avait fait de Rembrandt un des maîtres les plus recherchés à Amsterdam et de la Maison Uylenburgh, devenant grâce à Rembrandt une entreprise très rentable augmentant considérablement le stock d’oeuvres.
Rembrandt semble rechercher à transformer les clients sans pour autant les choquer, c’est ce qui fait son succès auprès de jeunes et de bourgeois huppés. Rembrandt lui même, comme il l’a fait tout au long de sa carrière, se représente au même moment en bourgeois dans son Autoportait de 1632 (Glasgow, Burell Collection, 63×46 cm) :
Costume du dimanche, collerette plissée, chapeau aux larges bords comme celui qu’il porte dans l’autoportrait à la Rubens dans la gravure de 1631-33 du Rijksmuseum. Le jeune peintre de l’atelier (Boston) est transformé en dandy élégant même si le visage semble un peu inquiet. Sur la gravure (11 états !) il est drapé dans un large manteau de fourrure alors qu’à droite il s’agit de soie brodée. Malgré cet étalage de luxe, il écrit à un client « Un homme pieux met l’honneur au-dessus des biens matériels ». C’est peut-être cette devise qui le guide dans la simplicité du portrait de Jan Rijksen et de Griet Jans (dit le Constructeur de bateaux), et, deux ans plus tard, dans le charmant portrait de sa fiancée Saskia :
Portrait de Saskia, de 1633, mine d’argent sur parchemin blanc préparé à la poudre d’or, à l’eau et à la. Cabinet des dessins et estampes de Berlin.
Véritable acte d’admiration, lumineux, d’une grande finesse dans le détail (le cheveux plaqués contre la joue, mais qui soutient la tête délicatement, les plis arrondis du cou, le collier des perles, les fleurs sur la calotte du chapeau, les yeux amande. C’est un portrait d’une grande fraicheur juvénile dont se dégage une bonne humeur égale à celle des jeunes mariés de Hals.
Rembrandt se gravera d’ailleurs avec sa jeune épouse un peu plus tard, en 1636. Lire l’excellent commentaire de cette eau forte sur le site de la BNF : http://expositions.bnf.fr/rembrandt/grand/017.htm Dans cette extraordinaire gravure quant au cadrage de l’image, le couple étant presque à angle droit par rapport à la ligne picturale, probablement autour d’une table sur laquelle il est en train de la dessiner. Certains ont vu dans la différence des proportions une prééminence du mari sur la femme. Mais il semblerait que ce soit dû à des hésitations de Rembrandt sur le sujet à représenter. Dans tous les cas, on retrouve ici ce souci d’instantanéité comme dans les deux doubles portraits de couple. On a l’impression qu’il a interrompu son travail pour nous regarder (ou pour regarder dans le miroir) et qu’il reprendra son dessin ensuite.
Regardez en revanche comment pose un peintre maniériste, Joachim Wtewael, tenant ces instruments face à sa femme qui tient une Bible peints « Non pas pour la gloire mais pour que le souvenir demeure ».
Mais la gravure a une autre fonction : être reproduite, devenant une sorte de « marque de fabrique ». Ce sera le seul portrait de couple de lui même avec Saskia si l’on excepte le très controversé « autoportrait » du fils prodigue avec une fille publique de Dresde (1635). Il a été mentionné comme « Autoportrait avec Saskia » dans l’inventaire du tuteur de Titus. Ici règne la démesure, l’hédonisme, le scandale, une vision prémonitoire avant la chute, les dettes ? Cependant peindre Saskia en prostituée semble impensable. Simon Schama préfère y voir une simple image traditionnelle du Fils prodigue plutôt qu’un autoportrait. http://www.rembrandtpainting.net/complete_catalogue/self_portraits/prodigal_son_and_saskia.htm
Rembrandt fait-il preuve d’originalité dans le portrait de couple ?
Entre 1632 et 1636 il peint plusieurs portraits de couples plutôt conventionnels pour montrer « l’amitié » des époux, les valeurs matrimoniales, le plaisir du ménage. Dans la morale calviniste, le mariage « a été instauré par Dieu » pour procréer, pour l’entraide mutuelle, pour éviter la débauche. La relation des portraiturés est donc essentielle, elle doit être solide mais souvent le lien affectif n’apparaît pas. La prééminence du mari est souvent visible, toujours situé à la droite de sa femme (la main droite est celle de la justice, du bien). Le geste masculin, la posture du mari sont toujours plus affirmés comme par exemple dans le portrait de Oopjen Coppit et Maerten Soolmans
Maerten Soolmans non signé, huile sur toile, 210x134cm et Oopjen Coppit non signé, huile, toile 109x134cm, vers 1634 huile toile, Paris, Coll. Rothchild.
Elle soulève la robe dont l’ourlet fait une ombre sur le carrelage (très rare à cette époque, les sols étant presque toujours en bois). Elle tient la quenouille (symbole du travail domestique) alors que Maerten tend le gant droit en un geste rappelant la jonction des mains droites, symbole de la solidarité conjugale. Remarquer les extraordinaires rosettes en dentelle sur les chaussures du mari, fortement mis en valeur également par la pose aristocratique qui les place à angle droit. La vision de l’épouse idéale, à la personnalité délicate, dans sa robe luxueuse en satin noir, les bijoux en particulier les perles et l’alliance accrochée en pendentif, dégage elle le calme, la sérénité esquissant un léger sourire. Rembrandt introduit un peu de mouvement par l’inclinaison du corps, l’ondulation des cols et des manchettes en dentelle. Un autre tableau (d’attribution discutée) montre un portrait de couple dans une pose statique mais solennelle :
Jan Peters Bruyningh, marchand d’art mennonite d’Amsterdam et Hillegont Moutmakerson épouse, 1633, 131x107cm Boston, Isabelle Stewart Museum, volé en 1990.
Le contraste est saisissant avec le double portrait de Jan Rikcjsen et de Griet Jans.
Jan Rikcjsen et son épouse Griet Jans dit « Le constructeur de bateau », 1633, huile sur toile, 111×166 cm, collection royale, Buckingham Palace, Royaume Uni.
Il s’agit d’un épisode de la vie conjugale plutôt que d’un double portrait. Le couple vieillissant contraste avec les poses très sobres de portraits de couple. On peut le rapprocher d’un ancien motif, l’épouse et le mari autour de la table de travail, le mari s’occupant de ses affaires.
Quentin Metsys, Le changeur et sa femme, 1514, huile sur bois 71×68 cm. Louvre, Paris.
L’homme est du côté de la vie active, la femme se consacre à la vie domestique (elle est du côté du foyer) contemplative (lecture de textes bibliques), consacrée à la piété, à la dévotion. Mais le cliquetis des pièces semble la distraire de sa lecture. On voit donc qu’au début du XVIe siècle, Metsys remet en cause la tradition en montrant une femme située entre les deux vies en semblant douter (mais de quoi ?).
Rembrandt de son côté bouleverse aussi les pesanteurs. Cette fois c’est Rickcjsen qui est distrait, par son travail de conception du navire dont le dessin de la poupe se trouve sur son bureau. Absorbé dans son « ingenium » cherchant l’idée, tel le jeune peintre face au chevalet de Boston, il est interrompu par son épouse qui lui apporte la lettre. Habituellement ce sont les serviteurs qui apportent le courrier. L’épouse semble donc participer au travail de son mari, elle même venant d’une famille de constructeurs de navires. Là où Oopjen Coppit esquisse un geste vers son mari, le geste de Gaert travers tout le tableau. Le bras droit forme un angle impressionnant avec le corps et le bras gauche restés en arrière car la poignée ne lâche pas la porte comme si elle manifestait son intention de retourner dans son espace domestique. Cet espace de solitude (cf. femmes des intérieurs de Delft par Johannes Vermeer). Ici la jonction des mains droites est détournée au profit d’un geste banal tiré du quotidien Rijkcsen tendant aussi sa main pour saisir la lettre tout en tenant le compas. Une page de vie, un instantané qui résume la longue vie du couple.
Le riche marchand de tissu et prédicateur mennonite Cornelis Claesz Anslo ainsi que son épouse Aeltje Gerrtsdr Schouten, 1641, toile, 176×210 cm. Berlin Staatliche Museum. ici l’homme semble parler avec sa femme qu’on a parfois prise pour une pensionnaire de l’Hospice fondé par Anslo à Amsterdam. Nous possédons deux dessins préparatoires un au British (à gauche) et un au Louvre (à droite) ce qui est exceptionnel) ainsi qu’une eau forte très élaborée également au Louvre.
Rembrandt fréquentait les prédicateurs car il y en avait dans la famille de Saskia, dont son oncle et tuteur qui l’a accompagnée au mariage avec Rembrandt. le poète Joost van den Vondel a rédigé sur l’eau forte un quatrain :
« Oh Rembrandt , peindre la voix de Cornelis ! »
Sa part visible est la moins importante. quant à l’invisible, on ne peut la connaître que par les oreilles.
Celui qui veut voir Anslo doit l’entendre ».
On ne saura jamais si c’est un compliment ou un reproche…Selon Chrstopher Wright non car le portrait est très soigné. Le tableau a été amputé pour lui donner une forme rectangulaire, la composition est donc tronquée ce qui accentue le déséquilibre de la composition vers la droite. Ceci met en relief de façon exceptionnelle des livres de dimensions démesurées d’autant plus que la main du prédicateur s’avance vers eux pour les mettre encore plus en valeur. La perspective est légèrement en contre-plongée ce qui accentue la majesté du personnage (surtout avec son manteau en fourrure) et l’impact de la parole d’Anslo puisqu’il est plus haut que l’auditoire tout en contraste avec la simplicité de sa femme poussée à la perfection. Ce cadrage audacieux projette Anslo dans l’espace du spectateur en laissant sa femme, pourtant en principe au premier plan, à l’écart.
Tableau très riche qui permet de comprendre :
1. La préparation : deux dessins, une gravure (fait rare chez Rembrandt, on connaît juste le dessin de Ganymède) peut-être sur demande du client.
2. la composition. Un cadrage exceptionnel (tableau vu d’en bas), le déséquilibre, le poids de la nature morte (livres qui nous rappellent l’extraordinaire gravure de Hercule Seghers) au Rijksmuseum.
3. Comment peindre la parole, l’invisible ? On retrouve ici le geste de la main qui rappelle bien sûr celui de Banning Cocq dans la Rond de nuit ou celui de Tulp dans la leçon.
Les deux portraits de couples sont donc des « portraits parlants ».Toute une symbolique s’exprime également par ce tableau majeur. Le verbe (la parole divine) est vivant, il est éternel (livres) alors que la matière est éphémère (une bougie éteinte). La femme écoute avec soumission, la tête légèrement penchée, mais elle serre son mouchoir, signe comme dit Schama d’une vie qui ne devait pas être toujours rose. Son visage est illuminé par la parole de son mari. Tableau à la fois d’une simplicité et d’une grandeur extraordinaires rappelant les Pèlerins d’Emmaüs. Lire l’analyse du double portrait d’Anslo et de son épouse par Nadeije Laneyrie-Dagen « Lire la peinture de Rembrandt« , p. 112-115. Rembrandt portraitiste de génie et « entrepreneur »
Rembrandt s’adapte aux volontés des modèles comme quand il peint un vieux couple d’une des plus grandes familles patriciennes, Jacob Trip (1575-1661) juste avant sa mort et son épouse Marguerite de Geer. On voit ici comment il dépeint ces deux fortes personnalités. Marguerite, loin de se cantonner dans le rôle de l’épouse. Le mariage était une tentative d’alliance entre ces deux familles rivales et Marguerite avait joué un rôle important dans l’apaisement de certains conflits. C’est une femme de caractère d’une autre génération qui appréciait Rembrandt dans les années 1630. Une certaine nostalgie transparaît cependant à travers le vêtement qui était à la mode trente ans auparavant.
On a souvent souligné le « réalisme » sans complaisance de Rembrandt qui n’hésite pas à utiliser la « ruwe manier » pour rendre l’âge avancé de ses modèles. C’est oublier que les commanditaires ont bien choisi de ne pas être idéalisés, leur rang social élevé et leur vie finissante rendant superflue cette idéalisation. Pensons par exemple au portrait de Louis XIV en costume de sacre par Hyacinthe Rigaud (1701) où l’âge du roi, visible sur son visage ridé, n’est pas masqué en dépit de la pose en contrapposto très élégant et juvénile du roi. A lâge de 63 ans le roi ne cache pas sa vieillesse mais il magnifie son portrait en revêtant le costume de sacre et en montrant les insignes de son pouvoir.
Jacob Trip et Margherita Geer vers 1661, toile, 130 x 97 cm Londres National Gallery.
Plutôt que de baisser le regard en se perdant dans des pensées existentielles en attendant la mort, les deux personnages affrontent l’oeil du spectateur avec beaucoup de dignité et d’assurance dans un contact d’égal à égal avec le spectateur même si la canne est tenue comme un sceptre par le patriarche d’un des plus puissants clans de la ville. A côté de ces grands portraits qui rapportaient des sommes considérables à Rembrandt jusqu’à 500 – 600 florins pièce plus les frais pour la toile et le cadre), Rembrandt a peint une foule de petits portraits, plus simples et meilleur marché (autour de 40 – 60 florins). Le prix variait en fonction de la taille et du format (buste, tête et épaules, tête épaules et mains).
Ces portraits de couples étaient prévus pour être placés côte à côté mais aujourd’hui ils sont séparés dans des collections différentes. Les marchands d’art avaient tendance à séparer les pendants alors que les propriétaires les gardaient bien sûr unis. Les commanditaires étaient fiers de posséder de tels portraits réalisés par le maître même si l’on sait que l’atelier intervenait fortement sur de telles commandes.
Dirck. Jansz Pesser (1587-1651), brasseur remontrant de Rotterdam (67×52 cm. Ici les panneaux ovales tête – épaules au départ ont été transformés par adjonction de petits blocs de bois en rectangles.
Deux portraits plus ambitieux de 1641 : Nicolaes van Bambeeck (1596-1661), marchand calviniste d’Amsterdam, Bruxelles, musées royaux, 105x84cm. et son épouse Agatha Bas (1611-1658), 104 x 85cm, Royal Collection of Queen Elizabeth II.
Ce riche marchand originaire de Leyde avait investi dans les affaires de Hendrick Uylenburgh, l’oncle de Saskia, marchand d’art et chef d’atelier qui a introduit Rembrandt dans la bourgeoisie d’Amsterdam au début de sa carrière. Ces deux toiles, certainement recadrées, ont bien sûr une beaucoup plus fière allure que les précédents. Le motif architectural arqué qui les encadre accentue l’illusionnisme. La pose aristocratique de Bambeeck rappelle celle de Rembrandt dans l’autoportrait de Londres utilisant le « coude Renaissance » qui deviendra par son intermédiaire un exemple suivi par ses successeurs comme Ferdinand Bol.
Conclusion.
Nous voyons donc que Rembrandt a pratiqué tous les types de portraits de couple mais en marquant de son originalité le double portrait en un seul tableau au même titre que les portraits de groupe. Les deux « portraits parlants » sont de véritables chefs d’oeuvre d’invention tant sur le plan de la composition que sur celui de la vie qui s’en dégage. Le geste de la main du pasteur Anslo rappelle celui de Banning Cock dans la Ronde de nuit. L’autre aspect à souligner, est celui du travail préparatoire sans précédent pour le tableau d’Anslo et son épouse. A côté de portraits à mi-corps assez conventionnels, produits d’atelier essentiellement et des quelques portraits d’apparat, certes plus ambitieux mais tout aussi conventionnels, ces compositions innovantes sur le plan artistique montrent les qualités plastiques exceptionnelles et le goût de Rembrandt pour le portrait vivant.
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