marți, 20 octombrie 2020

Rome, ville d’art

 



Grande Encyclopédie Larousse

https://www.larousse.fr/archives/grande-encyclopedie/page/11996

Rome ville d’art

La Rome antique

Celle-ci étant largement évoquée dans l’article chronologique consacré à l’art romain (v. Rome [État]), on donnera ici un aperçu de topographie monumentale.

Le Palatin

La tradition qui plaçait sur cette colline la Rome primitive, fondée vers le milieu du viiie s. av. J.-C., est largement confirmée par l’archéologie ; on peut voir sur place les fonds de cabane des « compagnons de Romulus », exhumés au début de notre siècle, ainsi que des silos et des restes de fortifications, ceux-ci du ive s. av. J.-C. Le premier monument important qui ait survécu est le temple de la Magna Mater (Cybèle), installé dans les toutes dernières années du iiie s. av. J.-C. et réduit à un podium arasé. À la fin de la République, le Palatin est le quartier aristocratique : Cicéron et la plupart de ses amis ou rivaux y habitent. Plusieurs maisons de cette époque sont conservées sous les constructions impériales ; la plus importante est la « maison des Griffons » (v. 80 av. J.-C.). Octave s’établit sur le Palatin en 36 av. J.-C. et ne le quittera plus ; sa résidence était en fait un complexe composé de plusieurs domus, dont deux sont conservées : la prétendue « maison de Livie » et celle qui fut découverte plus bas, sur la pente sud, par les fouilles, encore en cours, de G. Carettoni. Le temple d’Apollon, annexe de la demeure du prince, est également identifié avec certitude. Progressivement, le Palatin sera envahi par les résidences impériales, qui forment deux groupes principaux : le palais de Tibère, caché par les jardins Farnèse, dont on voit seulement les accès et les annexes (d’ailleurs postérieures), et le palais de Domitien, complètement fouillé ; on y distingue deux parties, l’une publique, avec en façade, du côté nord, une salle du trône et une basilique, et l’autre privée.

Le Capitole

Son occupation est moins ancienne. En 509 av. J.-C., les consuls inaugurent le temple de Jupiter, Junon et Minerve, construit par le roi étrusque Tarquin, qui vient d’être chassé. L’autre sommet de la colline sert de citadelle (arx), avec un temple de Junon Moneta (« qui avertit ») et ses oies sacrées. Là s’installe au iiie s. la « monnaie ».

Le Forum primitif

La dépression marécageuse au nord du Palatin sert de cimetière avant son drainage par les Tarquins au moyen de la « Cloaca maxima » ; de 600 av. J.-C. environ à la fin de l’Antiquité, ce lieu va être le centre politique de Rome. Pendant la République, deux places l’occupent : le Forum, allongé d’est en ouest, et le Comitium, d’orientation générale nord-sud. Le plus ancien ensemble monumental est établi au pied du Palatin, avec le temple de Vesta (qui, dans son état actuel, date du début du iiie s. apr. J.-C.), la Regia, résidence du roi, puis du grand pontife, et la maison des vestales. Deux temples du côté sud, dédiés aux Dioscures et à Saturne, sont fondés au ve s. av. J.-C. et reconstruits sous Auguste ; ils encadrent la basilique Julia, fondée par César et réalisée par Auguste. Le côté nord de la place a été profondément transformé par la suppression du Comitium, décidée par César ; on peut voir là cependant le plus ancien vestige archéologique du secteur, un monument funéraire du ive s. av. J.-C., qui contenait la plus vieille et la plus énigmatique des inscriptions latines. Les « rostres » (tribune) et la Curie ont remplacé, par la volonté de César, des édifices situés plus au nord sur le Comitium. La basilique Aemilia, qui occupe la plus grande partie du côté septentrional, est fondée dès 179 av. J.-C. ; son état actuel est augustéen. Les deux petits côtés de la place sont fermés, celui de l’est par le temple de Jules César, celui de l’ouest par le Capitole, portant le tabularium sullanien, avec à son pied le temple de la Concorde, fondé au ive s. av. J.-C., et l’arc de Septime Sévère.

Rome (suite)

Les forums impériaux

En supprimant le Comitium, César lui substitue un nouveau forum fermé par des portiques et enfermant le temple de Venus Genitrix ; cet ensemble, restauré par Trajan et complètement fouillé de nos jours, sert de modèle à Auguste, dont le forum, perpendiculaire à celui de César, enferme le temple de Mars Ultor, dédié en 2 av. J.-C. Vespasien consacre une place carrée à la Paix, Domitien élargit aux dimensions d’un forum la vieille rue de l’Argilète. Trajan enfin crée un ensemble aussi vaste à lui seul que tous les précédents réunis, comprenant le Forum proprement dit, la basilique*Ulpia, les deux bibliothèques encadrant la colonne Trajane et le temple funéraire de l’empereur, ensemble encore élargi par d’immenses marchés de brique qui formaient tout un quartier étage sur les pentes du Quirinal.


Les plaines du bord du Tibre

À cette Rome des collines s’oppose la ville basse des bords du fleuve. Au début, c’est seulement la plaine sud, entre Capitole et Aventin, qui est utilisée, d’abord comme centre commercial ; on y trouve le marché aux bestiaux et celui des légumes, mais aussi de très vieux temples, au pied du Capitole ; c’est là (ancien Forum boarium) que subsistent, presque intacts, deux sanctuaires qui remontent à la fin de la République, l’un circulaire, l’autre rectangulaire. La dépression allongée au sud du Palatin accueille dès le vie s. av. J.-C. le Grand Cirque, où courent les chars. La plaine nord, élargie par un méandre, sera longtemps, sous le nom de champ de Mars, le terrain d’exercice de l’armée. À partir de la fin du iiie s. av. J.-C., elle est envahie par les édifices religieux qui souvent commémorent un triomphe. Le groupe sud s’ordonne autour du cirque installé par Flaminius sur le bord du fleuve ; plus au nord, Pompée construira en 56 av. J.-C. son théâtre et ses jardins, qui rejoignent l’aire sacrée, aujourd’hui dégagée, du portique Minucia (Largo Argentina). Une troisième phase d’urbanisation, commencée par César, sera poursuivie par Agrippa ; celui-ci construit des thermes et un premier Panthéon rectangulaire, que l’actuelle rotonde, extraordinaire nouveauté architecturale d’où dérivent toutes les églises et mosquées à coupoles, remplace sous Hadrien. Les empereurs multiplient aussi les monuments commémoratifs, de l’Ara Pacis augustéenne à la colonne de Marc Aurèle.

En dehors des zones que l’on vient de parcourir, il faut signaler encore, au moins, trois monuments gigantesques et prestigieux : le Colisée (amphithéâtre Flavien), inauguré en 80 apr. J.-C. et qui occupe l’emplacement du lac de la Maison dorée (Domus aurea)de Néron, aux ruines toutes proches ; les deux grands édifices thermaux, celui du sud, construit par Caracalla au début du iiie s., et celui du nord, œuvre de Dioclétien à la fin de ce même siècle.

G. Ch. P

La Rome médiévale

L’histoire de l’art dans la Rome médiévale est marquée du signe de la continuité. Aucune autre cité au monde n’a perpétué ainsi la tradition antique jusqu’aux Temps modernes. Ce maintien de la tradition peut s’expliquer en partie par la survivance de nombreuses œuvres antiques in situ, il est dû surtout à la volonté délibérée des papes de retourner aux sources. En effet, la Rome du Moyen Âge est pontificale. Cela est si vrai que pendant les périodes d’éclipsé de la papauté, au xiie s. par exemple, lors de la lutte du Sacerdoce et de l’Empire, au xive s., lors de l’exil des souverains pontifes en Avignon, l’art entre en sommeil à Rome. Mais, lorsque les papes sont forts, ils bâtissent des églises et les ornent, ils sont les mécènes de la ville. La tradition antique qu’ils conservent est celle de la chrétienté triomphante du ive s., de la Rome constantinienne, et il est bien difficile de tracer une ligne de partage entre l’art romain du Bas-Empire et celui du haut Moyen Âge. À Rome, plus qu’ailleurs, l’art paléochrétien* se poursuit au-delà de l’Antiquité proprement dite. Et le retour périodique aux modèles de celle-ci, au ixe s., au xiie s., a assuré la transmission au monde occidental de son patrimoine. Il y a enfin un paradoxe dans l’histoire de l’art romain médiéval, c’est que cet art, imprégné d’Antiquité, ne s’est jamais rallié aux grands courants occidentaux de l’art roman et de l’art gothique et que, pourtant, il a fasciné les chrétiens médiévaux de l’Europe occidentale, qui ont souvent tenté de l’imiter. Ainsi la vieille basilique Saint-Pierre au Vatican, bâtie au ive s., n’a été démolie qu’à partir du milieu du xve s. et a longtemps inspiré les constructeurs d’églises more romano, « à la manière de Rome », comme on écrivit au ixe s. à propos de l’abbatiale germanique de Fulda. Saint-Pierre fut modifiée au cours des âges ; dès le viie s., l’abside était surélevée et un couloir établi autour, couloir considéré comme un ancêtre lointain des déambulatoires romans.

Luttes, destructions, reconstructions se succédèrent à Rome bien au-delà du Moyen Âge, au point que pratiquement aucun édifice n’a conservé son état d’origine. Le souci de continuité a conduit à des remaniements et à des restaurations nombreuses de la plupart des églises anciennes de Rome. Ainsi, la basilique Saint-Clément remonte au ve s., mais seulement pour ce qui est de l’église inférieure, d’ailleurs transformée au ixe s. Presque complètement détruite en 1084 par les Normands de Robert Guiscard, elle fut rétablie entre 1085 et 1115 par le pape, qui fit refaire en partie le décor intérieur et fit construire au-dessus l’église haute avec son atrium. D’autres monuments ne conservent plus que quelques vestiges de leurs origines, tel Saint-Paul-hors-les-Murs, incendié en 1823 et rebâti sur le modèle paléochrétien ; des mosaïques de l’arc triomphal ont été conservées, ainsi que le chandelier pascal de la fin du xiie s. et le tabernacle du maître-autel de la fin du xiiie, par Arnolfo* di Cambio.

L’art romain médiéval passe par trois grandes étapes : la suite de l’art paléochrétien, jusqu’au viiie s. ; le ixe s., sous l’impulsion de l’empire carolingien et de son alliance avec la papauté ; les xiie et xiiie s. Le xive s., si fécond en Toscane, a laissé peu de traces à Rome à cause de l’exil d’Avignon, puis du Grand Schisme* d’Occident, et c’est sans transition que la Ville Éternelle a pénétré dans la Renaissance*.

Rome (suite)

La continuité de la tradition paléochrétienne s’est manifestée dans la construction des églises, la plupart du temps basilicales, avec des nefs scandées de colonnes et plafonnées, avec des absides voûtées précédées d’un arc triomphal (v. basilique). Les arcades remplacèrent de très bonne heure les architraves, comme à Sainte-Sabine, construite sous le pape Célestin Ier (422-432). Des campaniles furent élevés auprès, surtout à partir du xie s. ; Rome en compte plus d’une trentaine. L’un des plus connus, celui de Sainte-Marie-in-Cosmedin, date du xiie s. ; l’église elle-même remonte à la fin de l’Antiquité, modifiée au viiie s. par l’adjonction de deux absides latérales, puis en grande partie reconstruite au début du xiie s. De l’époque paléochrétienne encore datent en partie Saint-Jean-de-Latran et Sainte-Marie-Majeure, très remaniées, Sainte-Agnès, le baptistère du Latran, Saint-Étienne-le-Rond. Au ixe s. remontent Sainte-Marie-in-Domnica et Sainte-Praxède. Au xiie s., outre l’église supérieure de Saint-Clément, il faut citer Sainte-Marie-du-Transtévère, Sainte-Françoise-Romaine, Saint-Laurent-hors-les-Murs. Rome ne compte qu’une église de style gothique, Sainte-Marie-de-la-Minerve, exception qui tient au fait que cette église conventuelle des Dominicains a été inspirée par une autre église de la même congrégation, celle de Sainte-Marie-Nouvelle à Florence.

Ces églises conservent parfois un beau mobilier. Les portes en bois de Sainte-Sabine, sculptées de scènes de l’Ancien Testament (ve s.), comptent parmi les œuvres les plus anciennes. De nombreux ciboriums, ou baldaquins d’autel, subsistent, certains ornés d’incrustations de marbres de couleur qui sont à rapprocher des pavements « cosmatesques ». Ces dallages polychromes d’origine byzantine furent introduits à Rome par les ateliers du Mont-Cassin et répandus par les marbriers et ornemanistes appartenant aux lignées des Cosmati (ou Cosma) et des Vassalletto. Sainte-Marie-in-Cosmedin, Saint-Clément, Sainte-Marie-du-Transtévère en possèdent de fort beaux. Le cloître de Saint-Jean-de-Latran en reprend avec élégance les procédés au xiiie s.

Le plus remarquable élément des vieilles églises romaines réside dans leur décor pictural, tantôt en mosaïque, tantôt à la fresque, car là, plus encore que dans l’architecture, s’est maintenue la tradition antique, qui se retrouvera à la Renaissance. Les mosaïques de Sainte-Marie-Majeure, par exemple, permettent de définir certains caractères de l’art paléochrétien. Celles qui couvrent les murs de la nef datent du milieu du ive s. et montrent des scènes de l’histoire d’Abraham, d’Isaac, de Jacob, de Moïse et de Josué. On y remarque la liberté et le naturel des gestes et des mouvements, des notations de paysage et d’atmosphère qui créent un espace et une profondeur. Les mosaïques de la vie de la Vierge, sur l’arc triomphal, sont du ve s. et révèlent un autre aspect de l’art romain : la grandeur, la dignité calme, un sens monumental. Sous le pape Félix IV (526-530) a été placée la mosaïque absidiale de l’église des Saints-Cosme-et-Damien, qui représente le Christ descendant du ciel entre saint Pierre et saint Paul. La notion spatiale, le modelé, la majesté qui s’en dégagent différencient cette œuvre romaine des productions byzantines de Ravenne, plus hiératiques et irréelles. L’influence de Byzance s’est tout de même exercée à Rome, notamment quand la crise de l’iconoclasme chassa les peintres grecs vers l’Italie, au viiie s., et sous l’action de l’atelier bénédictin du Mont-Cassin, au xie s. Parfois, le courant byzantin a coexisté avec le courant antiquisant romain, comme dans les fresques de Sainte-Marie-Antique, qui s’échelonnent du vie au viiie s. ; parfois, les deux courants se sont mêlés pour engendrer des créations fécondes. À la fin du viiie s., le pape Léon III se fit représenter avec Charlemagne sur une mosaïque de son palais du Latran. Son successeur, Pascal Ier, fit exécuter de nombreuses mosaïques, qui prenaient pour modèle les mosaïques du vie s., à Sainte-Cécile, à Sainte-Praxède, à Sainte-Marie-in-Domnica. Le sens de la profondeur, la plasticité des œuvres paléochrétiennes s’atténuent dans ces compositions du ixe s., qui sont plus linéaires, mais la calme grandeur romaine y est bien présente.

Une autre grande période picturale se développe à partir de la fin du xie s. ; elle révèle une influence byzantine transmise par le Mont-Cassin, vite romanisée par la persistance du courant antique. Les peintures de la vie des saints Clément et Alexis dans l’église Saint-Clément ont une élégance et une délicatesse qui doivent quelque chose aux miniatures byzantines ; la mosaïque de l’abside, avec les colombes qui symbolisent les apôtres autour de la croix, marque un retour aux sources paléochrétiennes. Ces œuvres du xiie s., à Saint-Clément et aussi à Sainte-Marie-du-Transtévère, annoncent les mosaïques exécutées à la fin du xiiie s. par Iacopo Torriti pour Saint-Jean-de-Latran et Sainte-Marie-Majeure et par Pietro Cavallini pour Sainte-Marie-du-Transtévère, dont la grandeur toute romaine préfigure la monumentalité de Giotto* et maintient l’héritage antique.

A. P.

Du xve s. à nos jours


La Renaissance

L’établissement de la papauté à Avignon au xive s., puis le Grand Schisme entraînèrent la décadence de Rome. Il faut attendre le milieu du xve s. et Eugène IV (1431-1447) pour qu’une vie artistique resurgisse vraiment. Le Florentin Filarete, appelé à Rome, sculpta en bronze les portes de Saint-Pierre, que le pape décida de reconstruire. D’autres artistes florentins, comme Donatello*Alberti*, Fra Angelico*, firent des séjours prolongés pour répondre à des commandes pontificales. Le Lombard Andrea Bregno s’établit à Rome et emplit les églises de la Ville Éternelle de ses monuments funéraires et de ses sculptures. C’est à Antonio del Pollaiolo* que l’on s’adressa pour les tombeaux de Sixte IV et d’Innocent VIII, intéressantes étapes dans l’évolution de la sculpture funéraire.

Rome (suite)

Avec Paul II et plus encore avec Sixte IV (1471-1484), l’architecture tant civile que religieuse s’affirma en des œuvres insignes. Le premier fit construire à partir de 1455 le palais de San Marco qu’on appela plus tard « de Venise », ville dont le prélat était originaire ; c’est la première grande œuvre de la Renaissance* à Rome et on y trouve encore, avec sa tour d’angle et ses merlons, le souvenir des structures du château-forteresse médiéval. Un peu plus tard, de 1489 à 1496, le cardinal Riario, neveu de Sixte IV, fit construire le palais de la Chancellerie, qui englobe l’ancienne basilique San Lorenzo in Damaso, tout comme dans le palais de Venise est incluse l’ancienne basilique Saint-Marc. On y reconnaît, tant dans la façade que dans la cour intérieure à loggia et dans le grand escalier, une influence de l’architecture du nord de l’Italie. La magnificence nouvelle de ce palais, la noblesse de ses proportions en font un manifeste de la première Renaissance à Rome. On ignore (comme pour le palais de Venise) quel fut son architecte.

C’est le pape Sixte IV qui donna son nom à la fameuse chapelle commencée en 1473 au Vatican et qui devait devenir un des hauts lieux de l’histoire de l’art. Le plan en est très simple, mais les proportions parfaites et, dès le début, il était prévu que les parois en seraient couvertes de fresques. La première série de ces peintures forme une suite ordonnée, de scènes évoquant l’Ancien et le Nouveau Testament et confiée à des artistes originaires de Toscane ou d’Ombrie : Botticelli*Signorelli*, le Pérugin*, les Ghirlandaio*, Pinturicchio, Cosimo Rosselli. C’est seulement en 1508 que Michel-Ange* Buonarroti, sculpteur florentin dont le premier passage à Rome date de 1496, se voit confier par un autre pape, le terrible Jules II Della Rovere, la tâche de compléter la décoration de la chapelle Sixtine par un ensemble de fresques au plafond. Ce travail titanesque fut terminé en 1512. Beaucoup plus tard, un autre pape admirateur de Michel-Ange, Paul III Farnèse, décida de sacrifier sur un mur des fresques du Pérugin pour y faire peindre le fameux Jugement dernier. C’est donc à l’extrême fin du xve s. que, grâce à l’action des pontifes, leur culture, leur souci de jouer les mécènes, le grand foyer de la Renaissance se déplace de Florence à Rome, qui redevient la capitale des arts et le théâtre d’une des plus éblouissantes floraisons de chefs-d’œuvre.

Après sa première sculpture romaine, le Bacchus de 1496, c’est pour un cardinal français que Michel-Ange sculpta la merveilleuse Pietà de Saint-Pierre, sous le règne d’Alexandre VI Borgia, pontife d’une moralité contestée, mais homme de goût fastueux qui fit construire au Vatican les appartements portant toujours son nom.

Le grand architecte de cette époque est assurément Bramante*, originaire d’Urbino, qui mit au point des formes et des proportions d’un classicisme harmonieux et d’une grande noblesse, adaptées tout naturellement à la Ville Éternelle, où il laissa une empreinte durable et où il se heurta au génie tumultueux de Michel-Ange. Les premières œuvres de Bramante apparurent comme de grandes nouveautés : le cloître de Santa Maria della Pace et surtout le charmant Tempietto de San Pietro in Montorio (1502) ; on retrouve la même perfection des proportions, la même habileté dans l’escalier du Belvédère au Vatican.

Cependant, son principal souci était la reconstruction de la basilique de Saint-Pierre, que Jules II lui avait confiée. Il revint au plan paléochrétien, la croix grecque, avec la seule couverture qui convînt pour un édifice insigne, la coupole. La première pierre fut posée en 1506. Après la mort de Bramante, en 1514, c’est au peintre le plus célèbre que l’on confia la maîtrise de l’ouvrage, à Raphaël*, aidé de Fra Giocondo et de Giuliano da Sangallo*. Raphaël pensait à un plan à croix latine qui resta à l’état de projet. Puis Paul III fit appel à Michel-Ange, qui reprit le plan de son ancien ennemi Bramante et en accentua la majesté, notamment pour la coupole. Il n’eut pas le loisir de la mener à bonne fin. Après sa mort, Domenico Fontana et Giacomo Della Porta la terminèrent d’après ses dessins, avec quelques menues retouches qui n’enlèvent rien à son caractère grandiose.

Raphaël Sanzio, originaire d’Urbino lui aussi, décora les « chambres » du Vatican de fresques qui firent date (chambres de l’Incendie, de la Signature, d’Héliodore) et fut à la tête d’une équipe remarquable où se distinguèrent Giovanni da Udine et Jules Romain*, que l’on retrouve aux « loges », décorées sur les dessins de Raphaël. Un autre de ses grands ensembles orne la villa que le banquier siennois Agostino Chigi se fit construire par Baldassare Peruzzi* entre la via della Lungara et le Tibre et que l’on appela plus tard la Farnesina, du nom de ses nouveaux propriétaires.

Peruzzi, Siennois d’origine, construisit également le curieux palais Massimo alle Colonne (sur le corso Vittorio Emanuele II), dont la façade épouse, par sa convexité, la courbe de la rue. Il montre un souci de l’environnement et de l’urbanisme nouveau pour une époque où la capitale des papes offrait encore un aspect très anarchique.

Les papes et leurs architectes manifestent en effet l’intention de doter Rome de voies commodes. C’est à cette époque que l’on dessine et que l’on construit les vie dei Coronari, della Lungara, di San Celso, di Ripetta, prélude timide à la grande entreprise de Sixte Quint. Antonio da Sangallo* le Jeune, originaire de Florence, travaille surtout à Rome. Dans l’église Santa Maria di Loreto près du Forum, il adopte le plan centré et la coupole. On lui attribue de nombreux palais via Monserrato et via Giulia, qui devient l’artère où font bâtir les grandes familles de Florence (à son entrée s’élève l’église Saint-Jean-des-Florentins, leur sanctuaire national, construite par Léon X de Médicis et où se succèdent J. Sansovino*, Sangallo, Giacomo Della Porta, Carlo Maderno). Jusqu’à la fin de sa vie, Sangallo est occupé par son œuvre majeure, le palais Farnèse, qui sera achevé par Michel-Ange.

Rome (suite)

En plus de son intervention capitale à Saint-Pierre du Vatican, Michel-Ange, en effet, dans la dernière partie de sa carrière, apporte une contribution primordiale à l’architecture de la Ville Éternelle, où il mourra en 1564. En 1527, Rome avait été mise à sac par les armées impériales ; cet événement avait dispersé pour un temps les artistes et rendu plus impérieuse encore la nécessité d’assainir et d’ordonner la cité. Paul III Farnèse décida de procéder à la rénovation du Capitole, un des endroits les plus prestigieux de l’histoire romaine. On restaura complètement l’ancien Palais sénatorial. On dressa au centre de la place la statue équestre (antique) de Marc Aurèle. Michel-Ange donna le plan des façades de l’escalier monumental avec ses divinités fluviales, le Tibre et le Nil ; il prévoyait de part et d’autre deux palais jumeaux, à droite le palais des Conservateurs, commencé avant sa mort, cependant qu’en face le Palazzo Nuovo (musée du Capitole) ne fut construit qu’au xviie s., par Girolamo Rainaldi. On peut affirmer que c’est à Michel-Ange que le Capitole doit sa composition grandiose, et que le rythme puissant et dynamique des éléments de façade n’a pas manqué d’influer sur la formation de l’esprit baroque, car l’on y trouve déjà la même recherche d’effet, de perspective théâtrale et de synthèse entre éléments architectoniques et éléments sculptés (par exemple les Dioscures, autre remploi d’antiques, qui montent la garde à l’entrée de la place). On fit appel à Michel-Ange en 1546 pour terminer le palais Farnèse. Il dessina le balcon central avec ses armoiries, les fenêtres du dernier étage, le superbe entablement supérieur qui produit là encore un effet grandiose, et enfin le dernier étage de la cour intérieure. Le palais, peut-être le plus beau de Rome, fut achevé par Vignole* et Giacomo Della Porta. Il symbolise parfaitement l’orgueil des grandes familles qui fournissaient périodiquement un titulaire au trône de saint Pierre. Michel-Ange fut aussi chargé de transformer en église l’ancien tepidarium des thermes de Dioclétien et il s’y montra respectueux de l’Antiquité (Santa Maria degli Angeli). Sa dernière œuvre d’architecte est la Porta Pia (1561-1564), quelque peu altérée aujourd’hui, où il affirme sa conception d’un urbanisme adapté à la grandeur d’une capitale. Si beaucoup de ses projets restèrent à l’état de dessins, on peut affirmer que c’est largement grâce à lui que le grand souffle de la Renaissance a bouleversé Rome, une Renaissance très empreinte de majesté antique. Dès le milieu du xvie s., la capitale des papes devient une sorte de chantier permanent.

Il revint à Sixte Quint, qui régna de 1585 à 1590, de coordonner tous ces efforts en définissant un vaste plan rationnel. L’architecte Domenico Fontana (1543-1607) fut l’artisan infatigable de ce grand dessein. L’idée centrale fut de relier les principaux points, en l’occurence les grandes basiliques, par des voies rectilignes et larges propres à faciliter la circulation et la police, déterminant des quartiers, dont plusieurs furent créés de toutes pièces. Les anciens remparts devenus anachroniques furent percés pour livrer passage à ces nouvelles artères. Rome s’agrandit donc, aux dépens certes des jardins, vignobles, et pacages qui la couvraient. On construisit des aqueducs pour amener l’eau des sources de Palestrina et ce fut le début des fameuses fontaines qui ajoutent tant au charme et à la beauté de Rome. La première fut l’Acqua Felice, élevée place San Bernardo alle Terme, et la forme monumentale adoptée par Fontana se réfère évidemment à l’arc de triomphe antique. La sculpture en bas relief y tient une place importante. Aux points de convergence des grands axes, on dressa les obélisques que l’on retrouvait alors au cours des fouilles ; le plus spectaculaire s’éleva précisément place Saint-Pierre. Des préoccupations sociales et économiques présidaient certes à ces travaux de vaste échelle, mais aussi une pensée religieuse et politique : la Contre-Réforme* s’organise et proclame à la face d’une chrétienté minée par l’hérésie la précellence du catholicisme et l’éclat retrouvé du siège de l’apôtre. Le pontife affirme son autorité aussi bien en se faisant construire un nouveau palais d’été, le Quirinal, devenu palais royal, puis résidence du président de la République, qu’en donnant leur aspect actuel aux vénérables hauts lieux du christianisme : palais de Saint-Jean-de-Latran et église Sainte-Marie-Majeure, dont toute la façade postérieure est édifiée dans des formes que l’on peut qualifier de triomphales. Cette basilique devient alors le centre d’une étoile de voies nouvelles. Le Corso reste l’axe principal traversant la ville et se borde de palais. Fontana dessine le piédestal de la colonne Antonine (ou colonne de Marc Aurèle, sur la piazza Colonna) et installe à son sommet une statue de saint Paul : symbole, comme les obélisques, de la victoire sur le paganisme, annexé jusque dans ses vestiges par la vraie religion.

Les familles patriciennes, les ordres religieux furent saisis par une fièvre d’émulation. On continue certes à bâtir sur les ruines romaines, comme le Cenci, sur les vestiges du théâtre de Cornelius Balbus, mais surtout le long des voies nouvelles. Le palais construit par Giulio Merisi pour le cardinal Gerolamo Capodiferro vers 1540 passa au cardinal Spada, qui fit enrichir les façades de stucs et de statues antiques. Les villas suburbaines gardent la faveur des grandes familles. Les Médicis acquièrent celle que le cardinal Giovanni Ricci avait fait construire en 1544 sur le Pincio par Annibale Lippi ; la façade sur les jardins de ce qui est devenu le siège de l’Académie de France, avec sa loggia, est très caractéristique de l’architecture du xvie s. et prend toute sa valeur dans son environnement de jardins, de fontaines, de statues.

Si Iacopo Barozzi, dit le Vignole*, est célèbre par ses traités, il n’en est pas moins un constructeur important, travaillant dans de nombreux palais (Farnèse, Borghèse, Chancellerie). Il est l’auteur, avec Bartolomeo Ammannati (1511-1592), de la villa Giulia (1551-1553, aujourd’hui Musée étrusque) : l’ingénieux hémicycle de la première cour est de Vignole, tandis que le nymphée et la loggia sont l’œuvre d’Ammannati. En 1568, Vignole entreprit de bâtir la grande église mère d’un ordre dont l’importance est considérable aussi bien dans le domaine des arts que dans la politique religieuse : les Jésuites. Le Gesù se présente d’ailleurs avec un plan révolutionnaire, une vaste nef unique bordée de chapelles entre les contreforts internes, une « église de la parole » adaptée aux nouvelles formes de dévotion prônées par les disciples de saint Ignace. Giacomo Della Porta (1540-1602), originaire de Lombardie, élève et collaborateur de Vignole, acheva le Gesù en construisant la coupole et la façade, elle aussi très originale avec ses enroulements qui assurent la transition entre deux niveaux de largeur inégale, un parti qui deviendra courant et que l’on qualifiera même, abusivement, de « jésuite ». Vers 1580, Della Porta fait figure d’architecte principal de la ville : outre l’achèvement de la coupole de Saint-Pierre, de nombreuses églises lui sont dues : la Madonna dei Monti, Sant’ Atanasio dei Greci, la façade de Saint-Louis-des-Français, dont la nef avait été achevée par Domenico Fontana.

Rome (suite)

La fin du xvie s., période intermédiaire entre la Renaissance et le baroque, se signale donc à Rome par un ensemble impressionnant de monuments d’un très haut intérêt, qui assure désormais à la capitale pontificale un prestige et une primauté artistiques incontestables : les meilleurs talents d’Italie viennent s’y employer. Le Toscan Ammannati aurait édifié le Collegio Romano ; nous l’avons vu à la villa Giulia. D’autres palais romains, comme le Palazzo Ruspoli, sur le Corso, et le Palazzo Firenze, lui sont dus. La peinture et la sculpture bénéficient aussi d’un vaste renouvellement, grâce au rassemblement à Rome des artistes les plus originaux venus d’autres régions. Par son réalisme, par ses effets saisissants de clair-obscur, le Caravage* est certainement le plus révolutionnaire ; la villa Borghèse et de nombreuses églises à Rome en portent témoignage. À la même époque, les Carrache* orientent la fresque vers un style plus classique, et leur fameuse galerie du palais Farnèse constitue un répertoire maintes fois consulté par les artistes qui suivront. Des sculpteurs d’origines diverses, Camillo Mariani, Francesco Mochi, Pietro Bernini, Nicolas Cordier (né en Lorraine), élaborent un art du relief qui renonce à la stylisation essoufflée du maniérisme. Les deux chapelles funéraires, Sixtine et Pauline, qui encadrent l’abside de Sainte-Marie-Majeure sont décorées d’une foule de statues et de bas-reliefs, œuvres des meilleurs artistes du temps. Le jeune Gian Lorenzo Bernini s’y est sans doute entraîné sous la conduite de son père.


Le baroque

À cette époque bouillonnante d’activité et d’inventions va succéder au xviie s. l’explosion du baroque*, qui confirmera la suprématie de Rome. C’est là que se définit l’art qui devait, pendant près de deux siècles, régner sur une grande partie de l’Europe et jusqu’en Amérique latine, art fait de dynamisme et de pathétique, parfaitement adapté à la nouvelle sensibilité et qui procède d’une synthèse, d’une fusion des différents moyens d’expression, architecture et arts plastiques tendant ensemble à la même recherche d’effet. Des architectes comme Giacomo Della Porta et Maderno pressentaient déjà ce nouveau dialogue. Carlo Maderno (1556-1629) est un homme du Nord comme beaucoup d’architectes qui trouvent fortune à Rome (il fit venir Borromini). La façade de Sainte-Suzanne (1603) montre son souci d’animer une surface par le jeu des colonnes, des pilastres, des niches et des corniches. Son œuvre, surtout dans le domaine religieux, comprend les intérieurs de Sant’Andrea della Valle, de Santa Maria della Vittoria, la coupole de Saint-Jean-des-Florentins et surtout la façade de Saint-Pierre du Vatican ; on a reproché à celle-ci de nuire à la coupole, mais le grief doit plutôt en être fait au parti d’une nef en longueur et, en soi, cette façade pompeuse, avec son balcon central pour la bénédiction pontificale et ses puissantes colonnes, convient admirablement à la basilique la plus vaste de la chrétienté. Le pontife qui présida à cette entreprise fut un Borghèse, Paul V (1605-1621), suivi par d’autres grands mécènes, Urbain VIII (1623-1644), un Barberini, Innocent X (1644-1655), un Pamphili, et Alexandre VII (1655-1667), un Chigi. Les deux principaux créateurs du baroque furent Gian Lorenzo Bernini (le Bernin*) et Francesco Borromini*, l’un né à Naples, l’autre dans le nord de l’Italie, le second d’abord disciple du premier, puis son rival et ennemi. Le baldaquin de l’autel de Saint-Pierre, commandé en 1624 et mis en place en 1633, sert en quelque sorte de manifeste : œuvre puissante avec ses énormes colonnes torses, digne de la coupole de Michel-Ange en dessus.

Au palais Barberini, Bernin et Borromini poursuivent l’œuvre commencée par Maderno. Les façades avec des fenêtres aux encadrements variés, l’escalier avec ses recherches de perspective témoignent d’une conception nouvelle des grandes demeures patriciennes. Sur la voûte du grand salon, Pierre de Cortone* peint le Triomphe de la papauté et des Barberini entre 1631 et 1639, et là encore c’est une nouvelle conception de la peinture qui éclate : architectures feintes, foules et personnages tourbillonnants, effets de profondeurs et de perspective, la grande fresque baroque est née, que l’on retrouve autour de 1680 aux voûtes du Gesù (par Giovan Battista Gaulli, dit le Baciccia, venu de Gênes, 1639-1709) et de Sant’ Ignazio (par le père Andrea Pozzo, 1642-1709).

Le prodigieux inventeur de formes que fut le Bernin renouvela totalement la sculpture, poussant jusqu’au prodige l’illusion de la vie dans le pathétique et dans l’extase : sculpture funéraire avec les grandioses monuments d’Urbain VIII et d’Alexandre VII à Saint-Pierre, sculpture religieuse avec les dramatiques mises en scène de la Transverbération de sainte Thérèse à Santa Maria della Vittoria, de la Mort de la bienheureuse Ludovica Albertoni à san Francesco a Ripa et de l’Apothéose de la chaire de Saint-Pierre, dans l’abside de la basilique. Sculpture profane aussi, avec les fameux groupes de la villa Borghèse et les fontaines qui contribuent tant au charme surprenant et divers de la Rome baroque : celles des Quatre-Fleuves sur la place Navone, celle du Triton et tant d’autres. Metteur en scène génial, le Bernin ouvre devant la façade de Maderno, au Vatican, la colonnade qui accueille et exalte le fidèle et construit le joyau exquis qu’est la petite église Saint-André-du-Quirinal. Son activité comme son influence furent immenses, et, jusqu’à la seconde moitié du xviiie s., la vie artistique suivra la voie qu’il a tracée.

Borromini, tempérament très différent, inquiet, pessimiste, créa des architectures parfois étranges, toujours passionnantes en raison de ses recherches complexes dans le jeu des plans et des volumes aussi bien que dans l’invention des formes décoratives : Saint-Charles-aux-Quatre-Fontaines, petite église à l’espace ovale gauchi, couvert d’une coupole que le dessin des caissons fait paraître plus haute ; Saint-Yves-de-la-Sapience, avec son curieux plan ternaire et la déroutante spirale de son sommet qui met dans le ciel de Rome une note presque exotique ; l’oratoire des Philippins, avec ses jeux de courbes et de contre-courbes ; la tour de Saint-André-des-Haies (Sant’ Andrea delle Fratte). La place Navone est un des hauts lieux de la Rome baroque ; elle conserve la forme allongée du cirque antique. Pour la border, Girolamo Rainaldi (1570-1655) et son fils Carlo avaient commencé à côté du palais Pamphili, élevé par Girolamo, l’église Sant’Agnese in Agone. Borromini évinça Carlo Rainaldi, modifia ses plans tout en conservant le principe d’une église à plan centré et conçut la remarquable façade qui, en face de la fontaine des Quatre-Fleuves du Bernin, dresse un décor magnifique sur un des grands côtés de la place.

Rome (suite)

Carlo Rainaldi (1611-1691), sans avoir le génie des deux grands maîtres du baroque romain, bâtit une des églises les plus intéressantes tant par son plan compliqué que par le jeu subtil des colonnes et des pilastres sur sa façade : Santa Maria in Campitelli. La même inspiration heureuse se retrouve à la façade de Sant’ Andrea della Valle ; Rainaldi aménagea aussi les trois rues qui confluent à la piazza del Popolo.

Pierre de Cortone ne fut pas seulement peintre, mais architecte distingué, comme on peut le constater dans son chef-d’œuvre, Santi Luca e Martina, près du Forum romain, une église à plan en croix grecque, aux lignes merveilleusement équilibrées et à la façade savamment orchestrée avec ses deux ordres superposés. Sur le Corso, la façade à loggia de Santa Maria in Via Lata est aussi très originale, avec un lointain souvenir palladien. Quant aux mouvements contrastés, convexe et concave, que Cortone imagina pour Santa Maria della Pace, ils confèrent un charme délicieux à toute la petite place qui se cache non loin de la place Navone.

Dans ce xviie s. si fécond qui transforma, transfigura pourrait-on dire, Rome, il ne faut pas oublier de mentionner la diversité des talents, l’activité des peintres notamment : le Dominiquin, le Guerchin (v. académisme), Giovanni Lanfranco (1582-1647), artistes que l’on accusait naguère de grandiloquence, mais qui ont été remis récemment à leur vraie place, et toute la cohorte des étrangers qui commencent à choisir Rome comme lieu de travail, ainsi des caravagesques comme le Français le Valentin*. À côté se développe un courant classicisant dont le chef de file est un autre peintre d’origine française, Poussin*. À cette tendance apaisée se rattache en sculpture l’art d’un Algarde*, que l’on a pu opposer au Bernin et dont le grand bas-relief de la Rencontre de Léon Ier et d’Attila, à Saint-Pierre, est célèbre, et l’art d’un Duquesnoy*, originaire de Bruxelles, mais parfaitement « romanisé » (Sainte Suzanne à Santa Maria di Loreto).

Ce xviie s. fut si brillant, si profond, si divers, il modela de façon si puissante et définitive la figure de Rome qu’on a eu tendance à considérer avec quelque dédain les compléments et les retouches du xviiie s. Aujourd’hui, on rend mieux justice à l’art des successeurs du Bernin, qui ajoutèrent une note de grâce à un urbanisme toujours épris d’effets scénographiques. De cette époque a malheureusement disparu le grand port de Ripetta sur le Tibre, mais il nous reste le vertigineux escalier montant de la place d’Espagne vers la Trinité-des-Monts, de Francesco De Sanctis (1723 à 1726), et la délicieuse petite place Saint-Ignace aménagée devant la façade de la grande église homonyme par Filippo Raguzzini (1727-28), transposition pleine de charme d’un décor de théâtre. Le settecento voit le règne de la musique, de l’opéra, du mélodrame, et les architectes reçoivent d’ailleurs commande de salles de spectacles : le teatro Valle, le teatro Argentina par exemple. Quant à la place de Trevi, n’est-ce pas un décor de féerie, peuplé de divinités d’opéra, de chevaux de joutes nautiques, le tout animé en permanence par l’eau transparente qui cascade et bouillonne, se détachant sur la grande architecture d’ordre colossal conçue en 1732 par Nicola Salvi ? Aujourd’hui encore, cette place et cette immense fontaine sont un des lieux les plus séduisants de Rome. Les Florentins Ferdinando Fuga (1699-1781) et Alessandro Galilei (1691-1736) furent les architectes les plus marquants de cette époque : le premier édifia une façade noble et élégante pour Sainte-Marie-Majeure, la façade grandiose du palais Corsini sur la Lungara et l’harmonieuse petite église de l’Orazione e Morte, près du palais Farnèse ; le second remporta le concours ouvert pour la façade de Saint-Jean-de-Latran. Le puissant portique qu’il conçut est digne du grand baroque du siècle précédent et de la basilique vénérable dont la nef avait été rhabillée par Borromini. Piranèse*, interprète en tant que graveur des antiquités de Rome, créa pour le prieuré de Malte une église (Santa Maria del Priorato) et, pour les abords, un décor qui avoue et annonce un certain romantisme, que l’on retrouve chez des peintres comme Giovanni Paolo Pannini (1691-1765).

L’emprise du baroque reste très vivace jusqu’à la fin du xviiie s., et l’on peut même se demander s’il y a eu un rococo romain, en quel cas la gracieuse église Sainte-Marie-Madeleine par Giuseppe Sardi en serait le meilleur exemple et, en ce qui concerne l’architecture civile, le palais Doria-Pamphili par Gabriele Valvassori. S’il y a décadence, c’est plutôt dans le domaine de la peinture qu’on le ressent ; la grande manière de P. de Cortone, du père A. Pozzo, du Baciccia n’est plus de mise, et Rome n’a pas eu la chance d’avoir un Tiepolo. La sculpture, cependant, est honorablement représentée par des artistes comme Camillo Rusconi, Pietro Bracci, Filippo Della Valle et aussi par des étrangers. Français surtout, Pierre Legros, Étienne Monnot (apôtres de Saint-Jean-de-Latran), Michel-Ange Slodtz*, fidèles les uns et les autres à la leçon du Bernin, et il faudra attendre Canova*, dont l’activité fut particulièrement féconde à Rome, pour que tout change. L’architecte Giuseppe Valadier (1762-1839) fut le premier artisan du nouveau visage de la Rome moderne. Parmi ses grands aménagements urbains, le plus spectaculaire est la piazza del Popolo, admirablement encadrée par les rampes qui montent au Pincio. Rome fut, en fait, un des principaux laboratoires du néo-classicisme (v. classicisme).


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