Buna si proasta carmuire / Siena /
Allégorie et effets du Bon et du Mauvais Gouvernement (en italien Allegoria ed Effetti del Buono e Cattivo Governo) est un ensemble de fresques d'Ambrogio Lorenzetti placées sur les murs de la Sala dei Nove (la salle des Neuf) ou Sala della Pace (salle de la Paix) du Palazzo Pubblico de Sienne.
Ambrogio Lorenzetti, Allegoria del Buon Governo, 1337-1340, Palazzo Pubblico, Siena
Effets du Mauvais Gouvernement dans la ville - détail
Effets du Mauvais Gouvernement dans la ville - détail
Au centre d'une longue tribune figure Tyrannia, sous un aspect démoniaque, qui tient prisonnière la Justice à ses pieds, et au-dessus de laquelle planent trois femmes maléfiques: Avaritia, l'Avarice, une vieille femme avec des ailes de chauve-souris; Superbia, l'Orgueil, l'épée dégainée et le joug de travers, et Vanagloria, la Vaine gloire, qui se complaît dans un miroir. Cette dernière remplace la Luxure traditionnellement5 représentée. En dérivent la Misère, les abus, la Destruction et la Famine. Le seul artisan est le forgeron qui fabrique les armes. À l'époque où cette fresque fut commandée, Sienne était en proie à la famine, à la mort et aux insurrections.
Allégorie et effets du Bon Gouvernement ou l'autre façon de penser nos communs
- 11 JUIN 2020
- PAR JEAN NOVIEL
- BLOG : LE BLOG DE JEAN NOVIEL
"L'allégorie et les effets du Bon et du Mauvais Gouvernement" est un dispositif mural peint par Ambrogio Lorenzetti entre 1338 et 1340, dans le Palais Communal de Sienne. L'oeuvre gigantesque et complexe se déploie comme un immense triptyque autour de l’allégorie de la Justice et de son modèle de gouvernance participative à conquérir, dont les effets positifs ou néfastes sont représentés de part et d'autre de la scène centrale. L'ensemble monumental visant à promouvoir les valeurs du « Gouvernement des Neuf », qui dirigea la République de Sienne entre 1287 et 1355.
Le paysage comme enjeu du partage.
Pas question ici de décrire l’extraordinaire panorama qui se déploie comme un spectacle de la « dolce vita » urbaine où l’on danse et l’on parade pour donner de l'énergie, où l’on part à la noce comme l’on négocie ses affaires, où l'on travaille en groupe comme on écoute et on partage. Les arts y sont largement représentés, les maçons s'affairent, les tisserands prospèrent. D'ailleurs la campagne que peint Lorenzetti présente de nombreux points communs avec ce qui se passe dans la ville. C'est la première fois qu’un peintre représente un paysage avec autant de détails puisés dans la ruralité. La vie y est active, riche et tranquille, personne n’y est armé, les hommes y vivent paisibles entre eux comme avec leurs animaux. C’est une campagne idéalisée où les activités fonctionnent en étroite symbiose (semis, labours, moissons), où les nobles partent en chasse parmi les paysans qui œuvrent au respect de la nature. Une campagne qui s’étend à perte de vue avec ses lacs, ses vallons, ses ponts, ses châteaux. Nous voyons là un paysage équilibré, proprement mis en valeur par une communauté tout entière qui y projette son idéal d’ordre et d’harmonie. Les vignes grimpent les coteaux, les blés ondulent, les arbres fruitiers et les oliviers couronnent le sommet des collines : tout ce qui est nécessaire à la vie urbaine est là, disponible, sous les yeux, presque à portée de mains. Plus que pour les villageois qui y travaillent, cette campagne idéale l’est d’abord pour les citadins qui en vivent sous le signe des saisons et des astres qui les guident. Gouverner, c'est prévoir !
Faire du paysage notre socle commun.
Voici donc dans cette oeuvre un exemple abouti de représentation d’une société résiliente (pour reprendre un bon mot savant à la mode), tenant compte des meilleures techniques et savoir-faire de son époque. La composition décrit un équilibre entre, à droite, un espace rural fertile, riche en biodiversité et source de matières premières, et à gauche, un espace urbain florissant, où le commerce, la transformation et la création sont prospères. Le système est solidaire et robuste parce qu’il se nourrit de la diversité et de l’interaction entre ses composantes humaines et naturelles. Voici une oeuvre qui offre aussi un exemple réussi de communication par l’image. Il faut comprendre cette allégorie comme un livre illustré qui démultiplie les symboles et les messages en un véritable code de civilisation à une époque ou les citoyens ne savent pas lire. On y découvre des femmes et des hommes qui œuvrent localement à faire vivre l’esprit de la démocratie et à réinventer des paysages plus humains. La fresque décuple ainsi les scènes, les personnages, les animaux pour montrer leur interaction nécessaire à toute forme d'équilibre. Tous participent aux affaires publiques à partir de leur travail et se pensent dans un destin commun. Voici enfin un dispositif conçu pour mobiliser le public avec un maximum d’impact. Sa présentation dans un site accessible à tous (salle des Neufs où siège le gouvernement) et son format monumental (trente mètres pour l'ensemble des peintures), rappellent l’importance du sujet qui nous concerne tous.
On sait maintenant que l'après covid ne se fera pas en un claquement de doigts ni dans l'aspiration du capitalisme à se réformer de l'intérieur. Pire encore, tous les signes qui surgissent laissent à penser que ce sera comme "avant mais en pire" et que la facture globale du ralentissement économique sera mise en créance des citoyens responsables et coupables du désastre. D'autant que la plupart de nos concitoyens enfin déconfinés n'aspirent qu'à profiter à nouveau de la vie, de leurs familles, de leurs amis et de leurs vacances attendues. Quoi de plus légitime en somme ? Et de plus propice aussi pour faire passer la violence d'une reprise par le « choc » et la nécessité d'aller de l'avant à marche forcée. Car si l'écologie et nos paysages ont profité a minima du repos imposé par le confinement, les adeptes de la globalisation ont eux aussi profité de cette relâche pour y voir une formidable occasion de rompre plus radicalement encore avec ce qui reste d’obstacles pour détruire le monde. C'est sûrement que l'occasion à saisir d'une crise est un moment qui passe vite, trop vite peut être ? Il est frappant alors de constater combien la composition de Lorenzetti et ses principes narratifs restent d’actualité et répondent aux défis contemporains d’une transition écologique devenue nécessaire et impérieuse pour notre avenir à tous. L’actualité, pourtant, s’ingénie à vouloir reproduire le chaos de la fresque des effets du « Mauvais gouvernement » : étalement urbain, bétonnisation sauvage, biodiversité anéantie, terres et forêts saccagées, gouvernance de tyrans, justice entravée, appât du gain, accords de libre-échange destructeurs, esclavagisme moderne, conflits armés, flux migratoires subis...
Se reconnecter au vivant pour retrouver du sens.
On le voit malheureusement, les politiques récentes ont montré les limites d’une gouvernance libérale inique et ceux qui nous gouvernent ne sont plus en mesure d'assurer la sécurité de leur population. Trop de dégâts ont été faits et si rien ne change rapidement la destruction de tous nos biens communs reprendra de plus belle (eau, air, terre, santé, alimentation). Au même titre que le pouvoir libéral a besoin d'une forme de mise en scène et de valorisation de son propre discours pour laisser infuser son idéologie, nous devons engager une reflexion et une vision esthétique de tout nos biens communs les plus chers en lien avec nos paysages et le travail raisonné des ressources naturelles. Casser les murs entre mouvements sociaux et partis politiques pour qu'enfin règne une forme horizontale de partage des pouvoirs. Lorenzetti nous le montrait déjà dans sa fresque : la recherche du bien-être, du partage et la ré-appropriation des territoires peuvent, en nous reconnectant à la nature et au vivant, nous rendre tout simplement plus heureux, plus justes et plus harmonieux pour affronter les défis de ce monde. A force de laisser le capital privatiser tout ce qui produit du sens, à force de laisser les banques dicter leur loi aux marchés, à force d'acceptation passive des peuples devant les dirigeants et les lobbies financiers, nous risquons de sombrer dans un monde sans protection, ni solidarité, ni partage, avec pour seule condition d'existence future la réussite individuelle et l'argent comme idole d'un coté, la stigmatisation et la paupérisation des plus fragiles de l'autre, dans une gouvernance destructrice de vie et d'harmonie possible. C'est ce que la fresque “Des effets du Bon gouvernement” vient rappeler à nos oreilles de sortie du covid : la chose publique nous appartient et nos élus ont un mandat que le peuple leur prête, ils doivent en honorer le contrat et se rappeler que c'est notre monde qui vient nourrir le leur, pas l'inverse.
Comment dès lors reprendre en mains nos affaires sans attendre la verticalité des pouvoirs et des marchés capitalistes centrés sur le profit, la rentabilité et les vues à court terme ? Comment pouvons-nous faire du futur un élément central des décisions à prendre pour notre bien commun ? Quels projets de paysages locaux peuvent avoir des incidences sur notre transition écologique ? Quelle place donner aux citoyens pour être acteurs et pionniers de leur propre changement ? N'est-il pas opportun enfin d'introduire du temps long dans toutes les décisions qui désormais attentent à nos vies, notre alimentation, notre santé et notre environnement ? N'est-il pas temps d'en finir avec la prédation des sols et des espaces sauvages ? Et d'en finir aussi avec la destruction artificialisée du monde ? Contre le global orchestré comme modèle absolu de la mondialisation, le local est peut-être notre dernier territoire d'utopie ? Notre dernière façon d'habiter poétiquement le monde... Partout alors des formes de résistance doivent trouver la façon de faire croiser les territoires avec les femmes et les hommes qui y vivent et en font la richesse. Et la première d'entre elle consiste à ne pas accepter que l'on efface de la mémoire collective les cataclysmes et les chaos qui sans cesse font se détourner les vivants, pris à leur propre survie, de leurs moyens de reconquérir l'avenir. Résister, c'est ne pas effacer la mémoire des luttes qui obligent à descendre dans la rue pour demander des comptes à ceux que la surdité aveugle. Résister c'est apprendre à retrouver le sens des valeurs communes et du partage nécessaire à toute forme de vie et d'harmonie plus juste.
A lire pour aller plus loin : Patrick Boucheron, Conjurer la peur. Sienne, 1338. Essai sur la force politique des images, éditions du Seuil https://blogs.mediapart.fr/jean-noviel/blog/
===================================================================
Allégorie du Bon Gouvernement
Ambrogio Lorenzetti, un peintre entre Moyen Âge et Renaissance ?
À la fin du Moyen Âge, la commune de Sienne est gouvernée par le Conseil des Neuf, dont le devoir est de garantir la paix et la sécurité, gages de prospérité de la ville. Renouvelable tous les deux mois, il est composé de neuf citoyens élus par tirage au sort. Ce système permettait de limiter l’emprise de quelques familles sur la ville et garantissait, en théorie, un gouvernement juste et équitable.
UN DÉCOR COMPLEXE
Les neuf magistrats siégeaient au palais communal de la ville. Le décor complexe qui orne la salle du Conseil a été peint par Ambrogio Lorenzetti, artiste siennois actif au XIVe siècle.
Sur le mur nord, la fresque principale, représentant l’allégorie du Bon Gouvernement [ image principale ], fait face aux fenêtres du mur sud. De part et d’autre se déploient deux autres compositions. Celle de droite, sur le mur est, représente les effets du Bon Gouvernement sur la ville [ image 1 ] et sur la campagne [ image 2 ]. Celle de gauche, sur le mur ouest, réunit l’allégorie du Mauvais Gouvernement et ses conséquences sur la ville et la campagne. Ces grands paysages permettent sans doute de rendre le message politique accessible au plus grand nombre.
UN GOUVERNEMENT EN IMAGE
La fresque principale est composée d’allégories évoquant les qualités et les vertus du Bon Gouvernement. Identifiables par des inscriptions, elles sont organisées en trois registres horizontaux.
Le ciel constitue le registre supérieur [ image b ]. De gauche à droite, la Sagesse et les trois vertus théologales (la Foi, la Charité et l’Espérance) rappellent que le Bon Gouvernement est d’inspiration divine.
Dans la partie gauche du registre médian [ image c ], la Justice est assise sur un trône et tient une balance. Dans la partie droite, un vieil homme barbu, allégorie du Bien commun, est assis au milieu d’une estrade. Muni d’un sceptre et d’un bouclier orné d’une figure de la Vierge, protectrice de la cité, il est entouré des vertus nécessaires au bon exercice du pouvoir (la Paix, la Force et la Prudence à sa droite, et la Magnanimité, la Tempérance et la Justice à sa gauche).
Dans le registre inférieur enfin [ image d ], la Concorde munie d’un rabot et placée sous la Justice évoque le nivellement des inégalités dans l’intérêt de la collectivité, incarnée par vingt-quatre citoyens. Sur la droite, des soldats gardent des prisonniers ligotés.
UN LANGAGE CODÉ
En recourant à l’allégorie, Ambrogio Lorenzetti crée une image dont il est nécessaire de connaître les clés de lecture. Certaines sont évidentes et très répandues, comme la balance de la Justice [ image c ] évoquant l’idée d’équité, et le glaive associé à la tête coupée, symbolisant la justice punitive garante de l’ordre social et de la sécurité. D’autres, en revanche, sont nouvelles et imagées, comme le rabot de la Concorde [ image d ] qui aplanit les dissensions.
Si elles reflètent la culture du peintre et de ses commanditaires, ces allégories sont cependant difficiles à comprendre pour un public non averti.
UN CURIEUX SENS DES PROPORTIONS
Ces personnages, représentés dans un même espace, présentent des dimensions sensiblement différentes. Ainsi, le Bien commun est la figure la plus grande de la composition, tandis que les vingt-quatre citoyens en sont les plus petites. La Justice est quant à elle plus grande que la Concorde. Il s’agit là d’une codification fréquente dans l’art médiéval, qui veut que la taille des personnages soit proportionnelle à leur importance sémantique. Plus la figure est grande, plus son rôle est important dans le message délivré.
UN RÉALISME TEMPÉRÉ
La fresque décrivant la ville [ image 1 ] et la campagne prospères [ image 2 ]constitue l’un des premiers paysages panoramiques connus de l’art occidental. Si certains monuments de Sienne y sont reconnaissables, comme la cathédrale dans l’angle supérieur gauche, ou encore une porte fortifiée, il ne s’agit cependant pas d’une représentation topographique de la ville. En effet, le palais communal et la place du Campo, qui en sont les symboles, n’ont pas été représentés par Lorenzetti. Le peintre semble ainsi avoir recherché la vraisemblance plutôt qu’une représentation illusionniste de la cité.
UNE PERSPECTIVE QUI DONNE À VOIR
Ambrogio Lorenzetti ne connaissait pas la perspective à point de fuite unique, qui sera inventée au début du XVe siècle à Florence. Il privilégie donc une vue plongeante de la ville, en multipliant les points de vue sur les bâtiments [ image 1 ]. Les plans lointains sont traités avec la même précision que les plans proches. Invité à circuler à l’intérieur des scènes, le spectateur perçoit l’ensemble des activités de la ville et de la campagne, garantes de la prospérité citadine : les multiples échoppes, avec leurs artisans, et la diversité des activités agricoles.
L’HÉRITAGE DE L’ANTIQUITÉ
En Italie, le passé antique est toujours très présent. Pour son œuvre, Ambrogio Lorenzetti s’inspire des modèles de cette période. Ainsi, le personnage nu ailé flottant au-dessus de la porte de la ville, symbolisant la sécurité à laquelle tout citoyen siennois aspire, évoque les Victoires de l’Antiquité romaine [ image 3 ]. Le drapé de la Paix et la position qu’elle adopte [ image 4 ] rappellent également certaines sculptures antiques. Enfin, aux pieds du Bien commun [ image principale ], le peintre figure les jumeaux Senius et Aschinus, fils de Rémus, traditionnellement considérés comme les fondateurs de Sienne.
AMBROGIO LORENZETTI, UN PEINTRE SIENNOIS LETTRÉ
Le décor de la salle du Conseil atteste de la culture intellectuelle complexe de Lorenzetti, qui annonce la figure de l’artiste de la Renaissance. En associant dans ces images allégories, références à l’Antiquité et souci du réel, le peintre montre une culture littéraire, visuelle et technique supérieure à celle d’un simple artisan peintre. La richesse des références de cet artiste, puisant dans les recherches initiées par ses prédécesseurs (Duccio, Cimabue, Giotto), montre que Sienne est l’un des foyers artistiques majeurs de la période de transition entre le Moyen Âge et la Renaissance. Mais la ville, durement touchée par l’épidémie de peste noire de 1348, connaît une grave crise économique et démographique, et peinera à se relever. Dans ce contexte la mort d’Ambrogio Lorenzetti freinera également cet élan vers la Renaissance.
Permalien : https://www.panoramadelart.com/bon-gouvernement-lorenzetti
Publié le 14/09/2016
Les Fresques du Bon et du Mauvais Gouvernement de Sienne
LA VIE M’A OFFERT D’ÊTRE NÉE DANS LA CAMPAGNE TOSCANE, OÙ J’AI GRANDI ENTOURÉE DE LA BEAUTÉ DE SES PAYSAGES ET DE SA LUMIÈRE AINSI QUE DES FRUITS LES PLUS NOBLES DU TRAVAIL ET DE LA CRÉATIVITÉ DE L’HOMME.
« Aimez la justice vous qui gouvernez cette terre ».
http://adrastia.org/transition-allegorie-quattrolibri/
Niciun comentariu:
Trimiteți un comentariu