luni, 21 decembrie 2020

Peindre le paysage à Florence à la Renaissance

 De la fiction à l’observation: peindre le paysage à Florence à la Renaissance 

Si l’histoire de la peinture de paysage de Richard Turner, The Vision of Landscape in Renaissance Italy, parue en 1966, s’ouvre avec Léonard de Vinci et Piero di Cosimo, les trois volumes de La pittura di paesaggio in Italia, publiés en 2004, ne débutent qu’avec le xviie siècle, les périodes antérieures n’étant abordées qu’en introduction 1 . Parallèlement, lorsque l’on évoque le paysage du Moyen Âge ou du début de la Renaissance, force est de constater que Sienne, Venise et l’Italie du Nord prennent une place beaucoup plus importante que celle accordée à la capitale toscane 2. Le xve siècle et le tournant du xvi e siècle florentins peuvent paraître les parents pauvres de l’étude de la peinture de paysage en Italie 3 . Cet article se propose de constituer un modeste point de départ face à cette relative absence. Les paysages qui figurent dans la peinture florentine du début du xve siècle restent tributaires d’une tradition remontant au siècle précédent. Pour s’en convaincre, il suffit d’observer l’arrière-plan de l’Adoration des Mages de Lorenzo Monaco, peinte en 1423 pour l’église Sant’Egidio (aujourd’hui Florence, Galleria degli Uffizi): son paysage est hérité des modes giottesques, comme le montre le rapport évident avec les fresques de la chapelle Bardi de Giotto et avec des œuvres exécutées par son principal élève, Taddeo Gaddi dans la chapelle Baroncelli, ou par son fils, Agnolo. Les paysages de ces trois peintres présentent des étendues arides, escarpées, minérales, seulement animées par la présence de quelques arbustes. Ils figurent dans des fresques réalisées pendant une période de près de soixante ans, entre 1325 et 1387, et se font indubitablement écho, d’autant plus qu’ils ont été exécutés dans un seul et même édifice religieux, l’église franciscaine Santa Croce. Cette tradition florentine du paysage s’explique sans doute par la persistance même des pratiques picturales. En effet, on peut rappeler les propos de Cennino Cennini, élève d’Agnolo Gaddi, qui, au chapitre lxxxviii du Livre de l’art (1437), conseille à l’artiste : «Si tu veux peindre des montagnes d’une manière qui paraisse naturelle, prends de grosses pierres, grossières et non polies. Et dessine-les d’après nature, en y distribuant de la lumière et des ombres, au gré de ton discernement 4 . » Ces fresques semblent illustrer parfaitement ces recommandations théoriques, certes plus tardives, mais qui trahissent en la matière, une réelle perpétuation du faire. La figuration du paysage se fonde sur une observation d’un élément de nature mais cette observation DESSINS ET TABLEAUX EN QUÊTE D’AUTEUR actes de la Journée d’études (INHA, 6 juin 2017), sous la direction de Michel Hochmann et Laura de Fuccia De la fiction à l’observation : peindre le paysage à Florence à la Renaissance 7 reste toutefois partiale, réduite et réalisée au sein de l’atelier, où l’artiste, dans une sorte de synecdoque picturale, est invité à prendre le rocher pour la montagne. Dans une certaine mesure, Masaccio règle évidemment les problèmes d’échelle et de perspective que l’on pouvait pointer dans les exemples précédents. Pour autant, il ne s’intéresse que peu à l’élément paysager, qui reste tributaire de cette même tradition, ce qui ne surprend pas chez un artiste qui se revendiquait si fièrement de Giotto. C’est Filippo Lippi qui libère la peinture florentine des modèles giottesques, en renouvelant profondément le regard porté sur la nature. Deux détails sont particulièrement révélateurs: un détail emprunté à une fresque détachée illustrant la Confirmation de la règle carmélite, réalisée vers 1432, dans le cloître de Santa Maria del Carmine (Florence, Museo di Santa Maria del Carmine) et un autre tiré du Double Portrait de New York (fig. 1), peint vers 1440, une œuvre capitale puisque c’est l’une des premières du genre à Florence, appelée à une fortune considérable 5 . La question de l’ouverture sur la nature est tout autant fondamentale, puisqu’elle définit le socle d’une problématique essentielle de l’art florentin de la Renaissance, à savoir la représentation d’un modèle dans un paysage, problématique qui se résoudra au début du xvi e siècle dans la Joconde (Paris, musée du Louvre). Cet intérêt est ensuite partagé et diffusé par l’entourage de Lippi, dont Fra’ Diamante à Prato, notamment dans le retable destiné à Santa Margherita (Paris, musée du Louvre), exécuté vers 1465- 1470. Le paysage y acquiert une place inédite et est exploité dans une stratégie narrative plus générale. Le Saint Jean-Baptiste de Chantilly (musée Condé), peint par un proche de Filippo Lippi 6 , montre bien comment le rapport entre figure et paysage a été redéfini et combien l’arrière-plan tient un rôle essentiel dans la fiction qui se joue. Au sol repose l’écuelle utilisée par saint Jean pour baptiser les foules; derrière, un arbre mort, dans lequel une hache est plantée, fait écho à l’Évangile selon Matthieu (7:19), où le Baptiste affirme : «Tout arbre donc qui ne produit pas de bon fruit, va être coupé et jeté au feu.» Le détail rappelle que le Chrétien se doit d’être un bon fruit. Il s’agit donc d’une exhortation morale au bon pratiquant. Le prototype, qui doit probablement revenir à Filippo Lippi lui-même, connut une grande fortune à Florence, dont saint Jean était l’un des saints patrons les plus vénérés 7 . Chez Lippi, la nature revêt une portée mystique inédite. Elle sert de réceptacle à l’Incarnation dans les Adoration qu’il exécute, entre 1455 et 1463 environ, pour le couvent des sœurs bénédictines San Vincenzo d’Annalena, la chapelle du palais des Médicis et le couvent des camaldules de Florence. Cette mystification Fig. 1 – Filippo Lippi, Double Portrait, détail, vers 1440, New York, Metropolitan Museum of Art. 8 ArtItalies, N° 24 de la nature tient au fait que l’artiste, encore frère à l’époque, s’inspire, pour ses images, des Révélations de sainte Brigitte de Suède, parues en 1455, soit la même année que la première Adoration, et dans lesquelles la mystique du xive siècle relate sa vision miraculeuse de la Nativité : la Vierge aurait enlevé son voile qu’elle aurait ensuite étendu sur le sol, avant d’y accueillir son fils et de se mettre à prier. Cette mystification du paysage doit être mise en rapport avec le développement considérable de la représentation des ermites. Dans une optique de vraisemblance narrative, ces œuvres montrent un paysage plus ou moins réel, dont l’immensité et la variété révèlent la profondeur du mysticisme érémitique, tout comme la toute-puissance de la Création. Les Thébaïdes tiennent leur nom de déserts censés avoir abrité les premiers ermites chrétiens: celui de HauteÉgypte où aurait vécu saint Antoine le Grand ou celui de Qinnasrin, où se serait retiré saint Jérôme. Les Thébaïdes de Fra’ Angelico 8 ou de Paolo Uccello reprennent une iconographie pisane du xive siècle, dont l’inspiration serait à chercher dans la représentation Les Trois vifs et les trois morts de Buffalmacco au Campo Santo, vers 1336-1338. Comme dans la Thébaïde dépecée de Fra’ Angelico (fig. 2), on y trouve représentée une variété de saints ermites (saint Jérôme, saint Bernard, saint Benoît, saint François, saint Augustin, saint Romuald…), dans un vaste paysage, où la nature sert de cadre à leur méditation mystique. Ce thème pictural connaît un regain d’intérêt à la fin du Quattrocento, dans le climat d’inquiétude de la fin du siècle, comme le montrent les multiples interprétations de Jacopo del Sellaio9 . Léonard révélait: «Si quelqu’un n’aime pas le paysage, il déclarera que c’est là matière à une courte et simple étude. Notre Botticelli avait l’habitude de dire que cette étude était vaine, car il suffit de jeter contre le mur une éponge imbibée de différentes couleurs pour obtenir sur ce mur une tache dans laquelle on peut distinguer un paysage. Aussi, ce peintre peignit-il de fort tristes paysages 10. » En observant les paysages de Botticelli, il faut admettre que l’on partage généralement le jugement de Léonard. En effet, même dans ses chefs-d’œuvre (le Couronnement de la Vierge pour le couvent de San Marco, la Vierge du Magnificat qui constitue le point culminant des recherches de l’artiste dans le cadre de la dévotion privée et dans le domaine du tondo, ou le Portrait d’homme avec une médaille qui révolutionne complètement le genre), Botticelli présente des arrièreplans rapidement esquissés, peu suggestifs, simplement animés de quelques motifs censés résumer un paysage. Fig. 2 – Fra’ Angelico, Thébaïde (reconstitution), vers 1430-1435, Anvers, Koninklijk Museum voor Schone Kunsten, Cherbourg, musée Thomas Henry, collection particulière, Philadelphie, Philadelphia Museum of Art et Chantilly, musée Condé. De la fiction à l’observation : peindre le paysage à Florence à la Renaissance 9 Ceci semble d’autant plus paradoxal que l’artiste se montre brillant dans la description botanique, il suffit d’avoir en tête le parterre du Printemps (Florence, Galleria degli Uffizi). Dès qu’il s’agit d’ouvrir la perspective sur les lointains, l’intérêt de l’artiste semble se perdre 11. Dans nombre de ses œuvres, le paysage est limité à l’essentiel, voire carrément absent 12, là où ses contemporains, Ghirlandaio en tête, nous y reviendrons, n’aurait pas négligé la transcription d’un paysage plus sensible. Cette absence d’intérêt pour le paysage se retrouve logiquement dans les œuvres produites dans le giron de Botticelli. Ainsi, en attestent la sécheresse et la simplification formelle des arrière-plans de panneaux produits par l’école de Sandro (le tondo de Chaalis en est un exemple particulièrement significatif 13), mais également ceux réalisés par ses suiveurs: comme dans l’Adoration de La Fère de Francesco Botticini ou dans celle, inédite, de Douai (musée de la Chartreuse ; fig. 3), donnée généralement à l’école de Botticelli, mais que nous préférons attribuer à Jacopo del Sellaio14. Du point de vue de son intérêt pour le paysage, la peinture florentine est régénérée par deux apports extérieurs: tout d’abord, par l’arrivée de l’Ombrien, le Pérugin, qui établit un atelier à Florence entre 1486 et 1511 15. Dans ses œuvres, la nature y est magnifiée, sublimée, quasi divinisée 16. Elle contribue à l’effet d’ensemble, en portant la sérénité de l’image. Le paysage est passé au filtre de l’idéalisation, à l’instar des visages et des expressions des figures saintes qu’il abrite. La description du lointain se fait plus sensible, plus détaillée. Il est volontiers rehaussé d’éclats dorés, ce qui souligne la nouveauté et la précision du regard et du pinceau. La manière péruginesque est largement diffusée par les tableaux exécutés dans la capitale toscane, aussi bien dans les grands retables que dans les œuvres de dévotion privée. Elle l’est également par les artistes qui gravitent autour de son atelier florentin. C’est le cas du Maître du Tondo Campana, dont l’Adoration de l’Enfant de La Fère (fig. 4) montre combien l’artiste s’est converti à la sensibilité ombrienne 17. Parallèlement, ce sont les modèles flamands qui s’imposent comme l’autre grande tendance à suivre 18. L’observation fine des prototypes nordiques implique un renouveau complet du regard porté sur la nature et son déploiement dans la peinture. Les exemples flamands agissent comme une fenêtre ouverte sur le Fig. 3 – Jacopo del Sellaio (attr. ici), Adoration de l’Enfant, vers 1480-1490, Douai, musée de la Chartreuse. Fig. 4 – Maître du Tondo Campana, Adoration de l’Enfant, début du xvie siècle, La Fère, musée Jeanne d’Aboville. 10 ArtItalies, N° 24 monde. Ils imposent un certain nombre de mises en scène, dont certaines sont directement reprises par les Florentins. On retrouve, ainsi, l’installation des figures dans l’angle d’une pièce d’un intérieur dépouillé, dont la seule animation consiste en l’ouverture sur un bout de paysage. Dirk Bouts, en 1462, semble en avoir été l’initiateur avec son Portrait d’homme de la National Gallery de Londres, bien que cet exemple n’ait pas été connu directement des Italiens, qui ont pu s’inspirer d’images équivalentes. Des mises en scène comparables s’observent dans différents portraits d’homme réalisés par des Florentins entre la fin du xve et le début du xvi e siècles, comme Lorenzo di Credi (Boston, Isabella Stewart Gardner Museum), Domenico Ghirlandaio (Paris, musée du Louvre) ou son fils, Ridolfo (Bergame, Accademia Carrara). Le genre du portrait a joué un rôle déterminant à Florence, d’ailleurs pas strictement dans ce domaine, puisque ce type de disposition se retrouve également dans les peintures dévotionnelles 19. Dans une autre séquence, la solution du Portrait d’homme de Memling (New York, Metropolitan Museum of Art), résolument connu à Florence, si l’on en juge par la Vierge et l’Enfant exécutée au sein de l’atelier d’Andrea del Verrocchio (Paris, musée du Louvre) 20, est ensuite relayée et réinterprétée par des artistes plus secondaires, comme Biagio d’Antonio dans sa Madone lilloise (Palais des Beaux-Arts) ou Davide Ghirlandaio, dans son Portrait de femme de Berlin (Gemäldegalerie). Les modèles flamands réactualisent la problématique du portrait devant un paysage. Ce sont les panneaux de Memling, présents à Florence, qui dictent aux Toscans une manière inédite de définir le portrait. Deux effigies masculines sont attestées dès le xve siècle à Florence (où ils y sont d’ailleurs toujours conservés). L’une d’elles a d’ailleurs été scrupuleusement copiée (Petworth House) dans un rapport d’émulation extraordinaire 21 qui rappelle ce que l’on observe pour les prototypes dévotionnels 22. Cette memlingmania touche les plus grands artistes de l’époque, comme les commanditaires les plus raffinés. Une autre effigie de Memling, qui représente Bernardo Bembo tenant une médaille, a dû être connue à Florence, bien que le grand humaniste fût originaire de Venise ; Bernardo s’y trouvait en effet entre 1475-1476 et 1478-1480, alors qu’il y était ambassadeur de la Sérénissime. La reprise du module de l’homme à la médaille, devant un profond paysage, par Botticelli (Florence, Galleria degli Uffizi), semble le confirmer. C’est dans ce contexte florentin que Bembo commande d’ailleurs à Léonard de Vinci l’œuvre destinée à sceller son amour platonique avec Ginevra de’ Benci, dont l’effigie (Washington, National Gallery) constitue le premier point culminant florentin en matière de portrait et la réponse la plus élevée adressée à Memling par un Italien 23. L’étude directe de prototypes flamands se perçoit dans la description même des arrière-plans, dans leur rendu atmosphérique qui, par l’éclaircissement de la palette, tend à suggérer le lointain d’une vision panoramique à l’infini, comme on le voit dans le bleuté des collines au fond du Saint Sébastien du Maître du Tondo Holden, un éclectique de la fin du xve siècle (Fontaine-Chaalis, abbaye royale) 24. Ce goût pour le paysage alla fiammingha à Florence a été excité par deux artistes: Alesso Baldovinetti (Adoration des Bergers de la Santissima Annunziata ; Vierge et l’Enfant du musée du Louvre ou du musée Jacquemart-André) et Andrea del Verrocchio (Vierge et l’Enfant de la Gemäldegalerie de Berlin). Il n’est pas étonnant, dès lors, de définir Domenico Ghirlandaio, formé auprès de ces deux artistes, comme l’un des plus grands promoteurs du fiaminghisme à Florence. Outre la définition même du paysage, on observe dans la peinture du dernier quart du xve siècle, un autre aspect lié à la pratique de la peinture du paysage dans le Nord, à savoir le paysage animé. Il s’agit d’ajouter quelques figures dans le fond afin d’apporter une touche de quotidienneté et de narration, comme on le voit bien dans l’arrière-plan du Portrait de femme d’Altenbourg par Domenico, ou de la Vierge et l’Enfant du musée Condé, peinte par son frère Davide. Ce genre de pratiques peut aussi faire écho au contexte humaniste. En effet, dans le contrat qui lie Giovanni Tornabuoni aux frères Ghirlandaio, le commanditaire précise que le décor doit être abondant et orné, faisant référence aux divers éléments à représenter ainsi: «figures, édifices, cités, plaines, plans d’eau, roches, vêtements, animaux, bêtes et oiseaux ». Ce genre de listes apparaît déjà chez Vitruve. En effet, au chapitre v du livre septième de son traité sur l’architecture, il décrit les pratiques des Anciens en matière de décor des longues galeries, ornées de paysages, rendus vivants par « des ports, des promontoires, des rivages, des cours d’eau, des sources, des euripes, des sanctuaires, des bois sacrés, des montagnes, des troupeaux, des De la fiction à l’observation : peindre le paysage à Florence à la Renaissance 11 bergers 25 ». Par ailleurs, dans son Histoire naturelle, Pline mentionne le nom de Studius, un artiste augustéen qui fut le premier à « imaginer une façon tout à fait charmante de peindre les parois, y figurant des maisons de campagne et des ports ainsi que des thèmes paysagistes, bosquets sacrés, bois, collines, étangs poissonneux, euripes, rivières, rivages, au gré de chacun, et y introduisit diverses effigies de personnages se promenant à pied ou en barque, se rendant, sur la terre ferme, à leur maison rustique à dos d’âne ou en voiture, voire en train de pêcher, d’attaquer des oiseaux, de chasser ou même de vendanger […] ainsi que bien d’autres détails expressifs du même ordre où se révèle la finesse de son humour 26 ». La conception même du paysage peint montre donc combien Tornabuoni cherchait à s’inscrire dans la grande tradition de la peinture antique en entrant directement en émulation avec les sources écrites anciennes afin de donner à sa chapelle le prestige dont pouvaient jouir les décors fantasmés de l’Antiquité. Nous évoquions plus haut une fenêtre ouverte sur le monde par la peinture flamande, mais il ne s’agit pas de n’importe quel monde. En effet, la fascination qu’exercent les prototypes flamands sur les Florentins dicte des arrière-plans alla fiammingha. Comme chez le Maître de l’Épiphanie de Fiesole à Saint-Quentin (musée Antoine Lécuyer), Davide Ghirlandaio à Chantilly ou le Maître du Tondo Holden à Chaalis, le paysage est animé par des vues pittoresques d’architecture. Il ne s’agit pas d’une réalité locale, mais d’une pure vue de l’esprit, animée par un imaginaire fertile, apte à développer une chorographie idéale de « carte postale ». Ainsi, des architectures gothiques viennent animer ces paysages florentins. Rien d’italien à ces pinacles, murs crénelés, clochetons, qui devaient incarner une certaine forme d’exotisme chez les observateurs de l’époque 27. Comme à son accoutumée, Florence propose une synthèse tout à fait personnelle 28, entre la conception atmosphérique et sensible des Flamands et sa propre définition perspective et compositionnelle de l’espace 29. Dans ce dernier cadre, la question du regard, du point de vue, associée à la problématique plus large de la « fenêtre ouverte », est essentielle pour la peinture florentine. Ainsi, à l’image des regardeurs fascinés par le spectacle du monde dans certaines œuvres du Nord, chez Van Eyck, André d’Ypres (tous deux à Paris, musée du Louvre), Van der Weyden (Boston, Museum of Fine Arts) ou Fouquet (Grandes Chroniques de France), les peintres florentins portent un regard nouveau sur le paysage, tant urbain que naturel. Répondant aux dernières tendances flamandes, ce regard renvoie également aux valeurs chrétiennes de la contemplation de la nature, dans sa manifestation de la toute-puissance de Dieu, contemplation à laquelle le chrétien est invité dans les Psaumes ou dans les Épîtres de saint Paul 30. La contemplation de la beauté de la nature telle qu’elle se manifeste dans le regard méditatif et esthétique des peintres florentins de la Renaissance s’appuie sur une vision néo-platonicienne, dans une résurrection christianisante de l’otium antique. Les regardeurs de la Visitation de Santa Maria Novella sont donc les relais picturaux de Ghirlandaio : ils incarnent le regard que le peintre porte sur le paysage, dans un syncrétisme culturel qui ne surprend guère dans le contexte de la magnifique Florence, mêlant tendances philo-flamandes, humanisme chrétien et néo-platonisme. Depuis Warburg, on a longtemps insisté sur les portraits de contemporains dans les fresques de Ghirlandaio. Définie par Warburg comme une manifestation de l’égocentrisme bourgeois, idée reprise par Berenson qui le teinte d’arrivisme 31, cette tendance doit être envisagée également du point de vue, négligé, du paysage. À la figuration de contemporains, familiers des commanditaires, fait écho la mise en scène dans des cadres contemporains, familiers des commanditaires 32. Aux côtés de Santa Trinita et de Santa Maria Novella, on retrouve ainsi l’église Santa Trinita, la Torre Gianfigliazzi, le Palazzo Spini, le Palazzo Vecchio ou la Piazza della Signoria. Portraits et portraits de ville assurent ainsi un processus de profanisation de la légende sacrée, tout en autorisant une sacralisation du lignage et de la cité 33. L’étroite association entre portrait physique et portrait topographique donne aux milieux Sassetti et Tornabuoni le statut de représentants éternels et d’acteurs universels de leur ville. Ce genre de pratiques se développe également dans le cadre plus généraliste de la peinture dévotionnelle, à Florence, dans l’atelier des Ghirlandaio 34 ou chez Jacopo del Sellaio35, mais également à Pistoia, comme dans la Sainte Famille de Leonardo Malatesta de Fontaine-Chaalis (abbaye royale) 36, où une vue de la ville se déploie au centre. Ce détail, qui est évidemment loin d’être anodin, se retrouve dans un autre tondo du même auteur 37, selon des usages qui devaient évidemment séduire la clientèle. En situant 12 ArtItalies, N° 24 les épisodes sacrés de la Crucifixion, du repos pendant la Fuite en Égypte ou de la retraite au désert dans une réalité toscane, les peintres inscrivent fièrement leurs contemporains dans l’histoire du Salut, leur assurant ainsi la possibilité de contribuer à la Rédemption. Cet exemple de Leonardo Malatesta témoigne également du fonctionnement des ateliers toscans. En effet, c’est souvent dans le paysage que réside la variété nécessaire au renouvellement visuel de prototypes particulièrement appréciés et donc souvent répétés. À cet égard, nous pouvons observer deux œuvres de dévotion privée conservées à Fontaine-Chaalis. La première est une Adoration de l’Enfant, faussement attribuée au Pseudo Pier Francesco Fiorentino, que nous préférons situer dans la suite florentine du Pérugin 38. Nous avons retrouvé, dans une collection particulière (fig. 5), une œuvre du même artiste, présentant exactement la même composition, issue de l’exploitation d’un même carton. Si le module des figures reste presque inchangé, le paysage, quant à lui, a été entièrement modifié: le premier montre un paysage naturel, avec une vaste étendue d’eau, des collines, des montagnes ; le second, une curieuse vue urbaine avec des murailles construites directement dans la mer… Tout comme le détail d’un vêtement, d’une coiffe, d’un geste, d’un attribut, le paysage permet donc de «varier les plaisirs» et de proposer un minimum de variété dans des compositions plus ou moins rebattues. Elles sont justement plus ou moins rebattues car elles proposent, sur un marché plus large, des motifs popularisés par des artistes de renom. C’était le cas avec le Pérugin dans cette Adoration, c’est aussi le cas avec le Saint Sébastien du Maître du Tondo Holden, toujours à Chaalis. Il s’agit ici d’exploiter la popularité de la figure de saint Sébastien, dans le sillage des variations faites par le Pérugin autour du grand tableau du musée du Louvre, qui a servi de source à diverses reprises, dont celle du musée de l’Ermitage, au cadrage resserré, qu’évoque notre tableau. Ce tableau de Chaalis peut être comparé à un autre Saint Sébastien, que nous avons attribué au même artiste, et qui se trouve actuellement à la galerie Ratton-Ladrière (fig. 6). Ici encore, c’est dans l’élément paysager que les variantes s’affirment le plus. À l’inverse, le paysage peut également être répété dans des œuvres issues d’un même atelier. Nous avons retrouvé le prototype du paysage qui a servi de source à diverses reprises dans le contexte de la bottega ghirlandaïesque. L’arrière-plan gauche de la Vocation de saint Pierre, peint à la chapelle Sixtine, en 1481-1482 par Domenico Ghirlandaio et ses équipes, n’avait jamais été mis en rapport avec les œuvres suivantes, que nous attribuons toutes à son frère, Davide. Le chantier de la Sixtine, par son importance, a été un grand moment productif. Il a logiquement nourri une grande phase de conception graphique, dont les traces peuvent ensuite être suivies au retour des peintres en Toscane 39. Son paysage, typique du goût de Domenico pour les arrièreplans alla neerlandese, présente une église gothique, sur une colline, liée à un village, cerné par une muraille crénelée et cantonnée par des tours de garde. Ce motif est ensuite emprunté par Davide dans la Vierge et Fig. 5 – Le Pérugin (suiveur; attr. ici), Adoration de l’Enfant, fin du xve-début du xvie siècle, collection particulière. De la fiction à l’observation : peindre le paysage à Florence à la Renaissance 13 l’Enfant du musée Condé, réalisée vraisemblablement peu de temps après le retour de Rome 40. Davide le reprend ensuite dans le Portrait de femme de Williamstown, proche dans sa datation de la Madone de Chantilly et, sans doute, après la mort de Domenico, alors qu’il a pris les rênes de la bottega, dans un Mariage mystique de sainte Catherine (Brême, Kunsthalle), dans une Adoration de l’Enfant du Brooklyn Museum et dans une Vierge et l’Enfant conservée à Maastricht (Bonnefantenmuseum). Les motifs se répètent, sans être jamais totalement exactement identiques: à Chantilly, le paysage de la Sixtine a, par exemple, été dilaté sur la droite à partir de la seconde tour de guet, détail qui est repris dans le Mariage mystique de Brême, tandis qu’un pont a été adjoint dans l’œuvre de Williamstown, puis répété dans les quatre autres versions. Il n’est pas étonnant de voir Davide profiter des talents supérieurs de Domenico en matière d’innovations et exploiter les grandes tendances artistiques promues par son aîné. La répétition du paysage permettait, en outre, un gain de temps et de moyens non négligeable dans l’économie plus large de l’atelier et de son fonctionnement. La tendance du paysage flaminguisant est dépassée par Léonard de Vinci. Il commence par en livrer une interprétation déjà très personnelle dans ses premières œuvres, comme l’atteste son Annonciation de 1472-1475 (Florence, Galleria degli Uffizi). On y retrouve une ville fortifiée, telle que les Florentins pouvaient l’imaginer des Flandres, mais son traitement même du paysage, à la fois dans sa description et son animation, montre déjà ce qui fonde la révolution du regard imposée par Léonard dans ses œuvres postérieures. Cette révolution trouve ses racines directement chez Andrea del Verrocchio, auprès de qui Léonard s’est formé. Lorsque l’on observe certains détails des paysages des cassoni du musée Jacquemart-André, attribués à l’atelier d’Andrea, on est effectivement parfois tenté d’y imaginer une possible intervention du jeune Léonard. Si, dans la Vierge à l’œillet de 1478-1480 (Munich, Alte Pinakothek), nous sommes toujours dans une mise en scène à la flamande, dans un intérieur domestique dépouillé ouvrant, par des baies, sur une vue de paysage déjà typique de l’artiste. Il n’est pas étonnant d’ailleurs de situer cette révolution dès l’Annonciation, puisque c’est chronologiquement autour de cette œuvre que se situe le témoignage le plus important de ce changement de regard et de pratiques des artistes florentins à la fin du Quattrocento, à savoir le dessin de 1473, daté du 5 août (Florence, Gabinetto Disegni e Stampe degli Uffizi), premier dessin italien d’une réalité paysagère italienne, réalisée in situ. Si ce n’est pas le lieu pour revenir sur l’interprétation des grands paysages de Léonard tels que les formulent la Sainte Anne et la Joconde, nous souhaiterions, en revanche, revenir sur l’interprétation qu’en font les peintres florentins. À notre sens, les paysages de Léonard tracent, en matière de représentations du paysage, deux tendances simultanées, opposées. Elles sont le fait de deux artistes de la même génération, formés tous deux Fig. 6 – Maître du Tondo Holden, Saint Sébastien, vers 1495, Paris, galerie Ratton-Ladrière. 14 ArtItalies, N° 24 au sein de l’atelier de Cosimo Rosselli, Piero di Cosimo et Fra’ Bartolomeo. Piero di Cosimo s’inscrit dans les recherches de Léonard dans la mesure où ses paysages, volontiers fantastiques, portent une valeur expressive, quasi expressionniste, totalement inédite. Il se fait le miroir de l’âme contrastée des figures du premier plan. Au paysage mystique se substitue donc le paysage spirituel: c’est ce qu’évoquent les paysages dessinés et peints de Piero, par exemple autour de la figure de saint Jérôme (Florence, Gabinetto Disegni e Stampe degli Uffizi et Museo Horne), dont la puissance n’est pas sans rappeler le Saint Jérôme de Léonard (Pinacoteca Vaticana). Chez Piero, le paysage porte en lui un discours symbolique d’une richesse qui évoque Léonard. Daniel Arasse, à propos de la nature tellurique à l’arrière-plan de la Sainte Anne, parle de l’«image d’une terre qui n’a pas encore été régénérée par le sacrifice du Christ 41 ». Le fond du Portrait de Simonetta Vespucci de Chantilly (musée Condé) 42 convoque une nature riche en sous-entendus symboliques: l’arbre dénudé à gauche rappelle que la jeune femme est morte, elle tourne le dos à des arbres verdoyants, image de la mort qui tourne le dos à la vie. La noirceur du nuage qui enveloppe son strict profil va dans le même sens, tandis qu’un ciel impressionniste, animé par des éclats de couleurs pastel, surgit comme une promesse de résurrection. La conception du paysage de Piero di Cosimo s’insinue dans la peinture florentine de manière assez ferme dans le dernier tiers du xve siècle, notamment chez les artistes éclectiques. Le Pseudo Granacci s’est formé auprès de Domenico Ghirlandaio, dans les années 1490. Le tondo de Chaalis (abbaye royale) 43 montre, toutefois, une attention particulière aux modes péruginesques. Effectivement, l’arrière-plan présente une nature sereine, selon les codes de la peinture ombrienne : ces arbres élancés, peu fournis, graciles, aux rares branchages, se retrouvent souvent chez le Pérugin. Comme on le soulignait précédemment, on serait ici tenté de voir, dans ce genre de détails, une sorte de synecdoque picturale, le peintre travaillant non pas à partir d’un arbre mais d’une branche, peut-être conservée dans un herbier. À la manière de Cennino Cennini, qui conseillait de représenter la montagne par la pierre, la branche, ici, convoque l’arbre. Cette interprétation inquiète du paysage exprimée par Piero di Cosimo s’étend au-delà du tournant du siècle, jusque chez les excentriques, notamment par l’intermédiaire du Maître de Serumido, qui copie à plusieurs reprises les œuvres de Piero44. Ainsi, par l’intermédiaire de la nature vibrante et vigoureuse d’un Giovanni Larciani 45 ou de la nature nerveuse et tourmentée d’un Antonio del Mazziere 46, c’est tout le tumulte des paysages de Piero di Cosimo qui est perpétué jusque dans les années 1520-1530. Léonard avait posé un regard scientifique sur le territoire local, ensuite transposé, transformé, métamorphosé dans le champ pictural en panoramas cosmiques afin de nourrir sa grande interrogation sur le mystère de la Création et de discuter une problématique plus large liée à la question du mouvement. De Léonard, Fra’ Bartolomeo retient ce retour à la terre toscane, mais le normalise en le dépouillant de son interprétation mystérieuse. Formé dans le contexte d’un atelier typique du xve siècle, celui de Cosimo Rosselli, le jeune Baccio della Porta se montre clairement héritier des tendances en cours à la fin du Quattrocento, ce qui passe, dans le panneau du Metropolitan Museum of Art, par la disposition des figures dans l’angle d’une pièce ouvrant sur un paysage, à l’image de ce que pouvait proposer son maître dans sa Madone de Boston (Museum of Fine Arts). Les morceaux de paysage montrent également combien le jeune artiste suit les modes contemporaines, en s’affirmant émule de la memlingmania. En effet, le paysage de gauche reprend celui figurant dans le Saint Laurent de Memling (Londres, National Gallery), qui faisait partie d’un triptyque commandé par le Florentin Benedetto Pagagnotti, tandis que le paysage à droite n’est autre qu’une reprise de l’arrière-plan de la Vierge et l’Enfant avec deux anges de Memling (Florence, Galleria degli Uffizi), la partie centrale du même triptyque, qui connut un succès retentissant à Florence, comme le montrent les différentes reprises ou interprétations dont il fut l’objet 47. La fascination exercée par Léonard sur Fra’ Bartolomeo l’incite ensuite à reformuler entièrement ses arrièreplans au profit d’une étude systématique de la nature toscane, selon un processus plus général d’affirmation d’une fiorentinità revendiquée. À l’image intellectuelle d’une Flandre fantasmée se substitue ainsi une transcription sensible de la végétation et de l’architecture autochtones, comme en attestent les multiples feuilles indubitablement réalisées dans la campagne toscane 48. Le dispositif de la fenêtre nordique est dépassé : De la fiction à l’observation : peindre le paysage à Florence à la Renaissance 15 elle ouvre désormais sur un paysage typiquement italien. Ainsi, à la tentation du mystère léonardesque, filtré par l’expressionnisme de son compagnon Piero di Cosimo, Fra’ Bartolomeo revient, dans son Tondo de la Galleria Borghese, à la proposition péruginesque : paysage empreint de calme et de douceur, baigné dans une lumière chaude, mais désormais enraciné dans un imaginaire qui se veut résolument toscan49. C’est sur cette base que se joue le classicisme florentin des toutes premières décennies du xvi e siècle 50. Dans ce cadre, Ridolfo del Ghirlandaio doit être considéré comme l’émule le plus brillant du bartoloméisme à Florence jusque dans les années 1530 51. En conclusion, nous souhaiterions revenir sur la modernité même du paysage, non pas dans sa transcription, sa définition ou son animation, mais dans sa présence même. Sa présence, cette ouverture sur un monde plus ou moins fictionnel, plus ou moins observé, constitue à Florence, au tournant du siècle, un enjeu majeur de la première modernité. Pour ce faire, revenons sur l’histoire et l’évolution du retable. La Sainte Conversation constitue le type iconographique majeur des retables florentins du début du xve siècle, à la suite de la pala réalisée par Fra’ Angelico vers 1430 pour les Médicis à San Lorenzo (Florence, Museo di San Marco). La scène représente la Vierge entourée de saints, placés devant un fond architecturé. Une première libération de l’espace du retable est formulée autour de 1475 au sein de l’atelier d’Andrea del Verrocchio et de ses élèves, Lorenzo di Credi et Domenico Ghirlandaio en tête 52. Ce dernier a joué un rôle essentiel, à notre sens, pour la place accordée au paysage dans le retable florentin. Le Couronnement de la Vierge de Narni (Pinacoteca Comunale) présente un fond doré traditionnel qui, toutefois, ne reflète pas les intentions originelles du peintre. En effet, si l’on suit les études réalisées autour du sujet 53, on voit que Ghirlandaio avait pensé à une composition liée à la tradition florentine, telle qu’elle avait pu être formulée par Fra’ Angelico notamment 54, avant d’envisager une composition plus aérée, tournant vraisemblablement le dos à l’or, au profit d’un vaste paysage 55. Sans doute rejetée par les commanditaires, cette solution n’est finalement pleinement assumée, dans ce cadre iconographique, que dans un autre Couronnement de la Vierge, réalisé vingt ans plus tard : celui de son fils, Ridolfo (Avignon, musée du Petit Palais). Il faut attendre l’extrême fin de la carrière de Domenico, dans les années 1490, pour le voir suivre réellement ce genre de propositions, dans le Christ en gloire de Volterra (Pinacoteca Comunale) tout d’abord, et surtout dans la chapelle Tornabuoni à Santa Maria Novella (le panneau central de la pala se trouve aujourd’hui conservé à Munich, fig. 7), dont le retable instaure le nouveau type et la nouvelle mode iconographiques de la pala florentine, voire italienne. De Cosimo Rosselli (à Florence, Sant’Ambrogio) au Pérugin (à Pérouse, Galleria Nazionale dell’Umbria), de Fra’ Bartolomeo (à Besançon, cathédrale) à Raphaël (au Vatican, Pinacoteca Vaticana), en passant par Ridolfo del Ghirlandaio (à Florence, San Martino della Scala et Cenacolo di Andrea Fig. 7 – Domenico Ghirlandaio (et atelier), Vierge et l’Enfant en gloire entre saint Jean l’Évangéliste, saint Jean-Baptiste, saint Michel et saint Dominique, vers 1492- 1494, Munich, Alte Pinakothek. 16 ArtItalies, N° 24 del Sarto; ou dans deux retables inédits Galluzzo, San Giuseppe Artigiano et à Santa Croce sull’Arno, Santa Cristina ; fig. 8 et fig. 9), les gloires de la Vierge et, dans une moindre mesure, celles du Christ, deviennent le motif le plus repris dans la production italienne de la Renaissance, puis de la Contre-Réforme. La révolution imposée par la Pala Tornabuoni réside dans la logique de narrativisation et de dynamisation de l’image sacrée. Elle impose au retable traditionnel une actualisation salvatrice qui, pour notre propos, consiste en cette libération totale du décor, ouvrant désormais sur un vaste paysage : c’est donc bien en partie dans l’élément paysager que se joue la transition cruciale entre première modernité et Renaissance classique. Conservateur du patrimoine stagiaire à l’Institut national du patrimoine, chef de projet autour des collections du cardinal Fesch, docteur en histoire de l’art avec une thèse portant sur l’atelier des Ghirlandaio, Matteo Gianeselli s’intéresse à la peinture florentine de la Renaissance et plus particulièrement au fonctionnement des grandes botteghe du xve et du xvie siècles, sujet privilégié de plusieurs de ses articles et essais.

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