marți, 2 iunie 2020

GEORGES RODENBACH (1855-1898) -- un rêveur nostalgique





Georges Rodenbach

Poète belge de langue française (Tournai 1855-Paris 1898).
Ami de Verhaeren, il collabora à la Jeune Belgique et s'installa à Paris. Ses romans à succès (Bruges-la-Morte, 1892) et ses recueils poétiques la Jeunesse blanche (1886) et le Règne du silence (1891) ont su traduire la poésie de la Flandre.

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Georges Rodenbach



Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des littératures ».
Écrivain belge de langue française (Tournai 1855 – Paris 1898).
Cet aîné de la génération symboliste belge séjourna à Paris (1878-1879), s'imprégnant du climat littéraire et spirituel de la capitale. À la fin de son séjour, il publia les Tristesses (1879), inspirées de Coppée, de Banville et de Hugo. De retour au pays, il participa activement au renouveau littéraire qui s'amorçait autour de la Jeune Belgique. La Mer élégante (1881) et l'Hiver mondain (1884) cachent, sous des thèmes frivoles, le pessimisme d'un dandy qui découvre, de son propre aveu, « l'erreur en toute vérité, la vérité de toute erreur ». Avec la Jeunesse blanche (1886), Rodenbach inaugura un phrasé poétique désormais inséparable d'une thématique restreinte (miroirs, canaux, lieux clos, brouillards, villes mortes, béguinages, chevelures) dont les modulations obsessionnelles ne cesseront de se répéter dans l'œuvre poétique ultérieure (le Règne du silence, 1891 ; les Vies encloses, 1896 ; le Miroir du ciel natal, 1898).
En 1888, Rodenbach s'installa définitivement à Paris. C'est surtout son roman Bruges-la-Morte (1892) qui l'y rendit célèbre : le héros, Hugues Viane, veuf, établi à Bruges dont l'atmosphère s'harmonise avec sa tristesse, devient l'amant d'une jeune femme qui ressemble étrangement à son épouse disparue : il s'aventure alors dans le labyrinthe des apparences, des doubles, des vraies et des fausses ressemblances et finit par étrangler sa maîtresse avec une tresse de cheveux de la morte. Dans ce récit, l'auteur inscrit à la fois l'ambition du héros symboliste de devenir l'« architecte de ses féeries » et la conscience des périls entraînés par cette expérience de tourner volontairement « l'épaule à la vie » . Par son atmosphère de rêve et la mise en place d'un réseau complexe de correspondances dans un cadre allégorique, le roman fut reçu d'emblée comme une des œuvres majeures du symbolisme. Il contribua à lancer le mythe de la « Venise du Nord ». L'édition originale elle-même, où le texte s'accompagnait de vues d'une Bruges déserte en photogravure, innovait par sa présentation matérielle.
Le théâtre de Rodenbach – le Voile est joué avec succès en 1894 à la Comédie-Française – compléta sa relative renommée. L'auteur se lia d'amitié avec Villiers, Mallarmé, Mirbeau, Goncourt, Daudet, devint chroniqueur attitré du Figaro, et continua à publier recueils, contes et romans d'inspiration inchangée (Musée des Béguines, 1894 ; la Vocation, 1895 ; le Carillonneur, 1897 ; le Rouet des brumes, 1901). L'esthétique symboliste et l'idéalisme schopenhauérien lui avaient fourni la formule de transmutation du réel au creuset de l'œuvre d'art, l'un des éléments de son système consistant à voir la réalité à travers sa réverbération. Comme ses personnages, ce rêveur nostalgique se meut, avec une délectation morose, dans un monde de reflets fascinants mais dangereux.
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Georges Rodenbach

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Georges Rodenbach
Description de l'image Georges_Rodenbach,_portrait.jpg.
Naissance
Drapeau de la Belgique Tournai
Décès
Drapeau de la France Paris
Activité principalepoèteromancierdramaturge
Auteur
Mouvementsymbolisme
Œuvres principales
Georges Rodenbach, né le  à Tournai et mort le  à Paris, est un poète symboliste et un romancier belge de la fin du xixe siècle
Biographie
Georges Rodenbach naît rue des Augustins (maison disparue) à Tournai. Il est baptisé à l'église Sainte-Marie Madeleine. Il est lié, par sa mère, aux familles Baclan et Debonnaire de la ville picarde. Issu d'une famille aristocratique d'origine allemande, son père, fonctionnaire au ministère de l'Intérieur, est vérificateur des poids et mesures ; son grand-père paternel, vénérable de la seule loge brugeoise La Réunion des Amis du Nord, chirurgien et député, est l'un des fondateurs de la Belgique ; son grand-oncle a créé la brasserie Rodenbach. Par sa grand-mère paternelle, il descend du poète romantique allemand Christoph Martin Wieland.
Georges Rodenbach passe son enfance à Gand où sa famille s'installe en 1855. Il fait de brillantes études au collège Sainte-Barbe, où il se lie avec Émile Verhaeren, et à la faculté de droit de l'université de Gand. Il est ensuite envoyé par son père à Paris, pour y parfaire ses études, mais le jeune homme y fréquente surtout les milieux littéraires, puis il revient à Bruxelles, où il devient le collaborateur de l'avocat Edmond Picard.
En 1877, il publie son premier recueil de vers, Le Foyer et les Champs. En 1878, il effectue un nouveau séjour à Paris où il fréquente assidûment le cercle des Hydropathes. Il y nouera ses premières relations parisiennes : Catulle MendèsFrançois CoppéeMaurice Barrès
Délaissant le barreau en 1881, il se consacre à la littérature et collabore à La Flandre libérale et au premier numéro de La Jeune Belgique. Il publie La Mer élégante. En 1886La Jeunesse blanche lui vaut la célébrité non seulement en Belgique mais aussi en France. C'est le premier d'une série de recueils qui formera jusqu'à sa mort prématurée en 1898 un tout cohérent. La jeunesse blanche raconte tout simplement son enfance chrétienne à Gand chez les jésuites de Sainte-Barbe où il eut pour condisciple Émile Verhaeren avec lequel il lia une grande amitié qui durera toute sa vie, bien que leurs poésies respectives diffèrent totalement. L'année suivante, Le livre de Jésus montre Jésus revenant incognito sur terre, à Gand probablement, et tout le monde le méconnaît, le délaisse. C'est le spectacle de cette ville qui s'industrialise et où règnent désormais les idéologies matérialistes, l'argent, le machinisme, avec la misère prolétarienne, et le cynisme des riches. Ce récit s'achève amèrement. Le livre de Jésus ne sera publié qu'en 1923, à part quelques extraits parus dans la presse.
Impétueux animateur de la revue La Jeune Belgique, dont il est l'écrivain le plus doué avec son ami d'enfance Émile Verhaeren, il parvient à organiser en Belgique une tournée de l'écrivain Villiers de l'Isle-Adam. Peu après la mort de celui-ci, il invite son ami Stéphane Mallarmé qui évoque Villiers dans les cercles littéraires belges. Par des conférences, Georges Rodenbach introduit également la pensée pessimiste de Schopenhauer, qui va imprégner une grande partie de son œuvre.
Correspondant du Journal de Bruxelles, il s'installe définitivement à Paris en 1888, où son roman Bruges-la-Morte (1892), publié sous forme de feuilleton dans les colonnes du Figaro du 4 au 14 février et en volume en juin, chez Flammarion, chef-d'œuvre du symbolisme, remporte un très grand succès. Cet ouvrage, dont le personnage central est la ville de Bruges elle-même, contribue grandement à la renommée de la cité flamande. Il s'agit d'un des premiers romans dont les illustrations (des reproductions de photographies de la ville) font partie intégrante du dispositif narratif — c'est ce procédé littéraire que reprendra André Breton pour son récit Nadja1. Au Figaro, il se lie d'une profonde amitié intellectuelle avec le polémiste anarchisant Octave Mirbeau, celui qui fera découvrir au grand public Maurice Maeterlinck et qui est l'auteur du Journal d'une femme de chambre.
Il convient de mettre en parallèle l'œuvre de Rodenbach avec celle du peintre symboliste belge Fernand Khnopff qui, à l'époque de la parution de Bruges-la-Morte, dont il a conçu le dessin-frontispice, participe aux Salons Rose+Croix de Sâr Péladan.
Tombe de Georges Rodenbach au cimetière du Père-Lachaise
Auteur : Charlotte Besnard.
Georges Rodenbach se lie avec Stéphane Mallarmé, et devient un causeur éblouissant des Mardis de la rue de Rome, avec Rémy de GourmontEdmond de Goncourt qui le cite régulièrement dans son Journal, Alphonse DaudetFrédéric MistralJoris-Karl Huysmans, l'occultiste Jules BoisAuguste Rodin, qu'il défend avec passion dans Le Figaro, etc.
En 1888, l'écrivain épouse Anna-Maria Urbain, originaire de Frameries dans le Hainaut belge, et qui sera, plus tard, journaliste à la Tribune de GenèveAlbert Besnard en fait un portrait en 18972. Leur fils unique, Constantin, sera naturalisé français; il joue près des "fortifs" avec le petit Maurice Rostand3.
Rodenbach collabore au Figaro où il publie Agonies de villes, série de portraits consacrés notamment à Bruges, Saint-Malo et Gand.
En 1894, il est le premier auteur belge à voir une de ses œuvres, Le Voile, mise au répertoire de la Comédie-Française. Il impose dans le rôle principal la jeune Marguerite Moreno qui l'évoque dans ses souvenirs littéraires. La même année, il est décoré de la Légion d'honneur.
En 1896, il publie Les Vies encloses, recueil de poèmes inspiré par l'occultisme (Novalis) et le romantisme allemands. Bien que malade depuis de longues années, il publie un autre chef-d'œuvre, également situé à Bruges, Le Carillonneur (1897), d'une veine plus naturaliste, où il relate avec réalisme les débats qui animent la ville autour des partisans du projet Bruges-port-de-mer ou Zeebruges et les défenseurs d'une ville d'art destinée à l'élite de l'humanité. Le poète craint en fait, mais à tort, que le développement du port commercial contribue à détruire le patrimoine et l'esprit médiéval de Bruges, comme ce fut en partie le cas de Gand, sa ville d'enfance en proie à l'industrialisation galopante.
Le , il publie, dans Le Figaro, un article sur Arthur Rimbaud4.
Cette même année , il publie son dernier recueil poétique qui est comme son testament sprituel, « Le miroir du ciel natal «  , ou il revient sur son enfance à Gand.Le commencement du recueil est sombre puis so symbolisme s’éclaire dans le chapitre suivant « Les réverbères », qui sont comme des images des étoiles. Ensuite, la joie et la lumière jaillissent dans « Les jets d’eau », « Les premières communiantes », jusqu’à l’épilogue, prière conclusive
« Seigneur ! en un jour grave, il m’en souvient, Seigneur ! Seigneur, j’ai fait le vœu d’une œuvre en votre honneur. »

Il meurt à 43 ans d'une appendicite le jour de Noël5 1898. Il est inhumé à Paris au cimetière du Père-Lachaise où l'occultiste Catulle Mendès prononce son éloge funèbre. Marcel Proust lui vouait une grande admiration comme l'atteste son long message de condoléances :
« M. Rodenbach était pour moi un objet de sympathie, d'admiration extrêmement vive. »
Par son côté dandy, Rodenbach serait l'un des modèles de Swann de À la recherche du temps perdu.
Rodenbach était pressenti pour faire partie des membres fondateurs de l'Académie Goncourt.

Hommages et postérité

De nombreuses plaques ou monuments commémoratifs honorent la mémoire du chantre de Bruges :
  • 1903 : monument dû à George Minne, au Grand Béguinage Sainte-Élisabeth de Gand ;
  • 1923 : plaque apposée au 43, boulevard Berthier à Paris, sa dernière demeure ;
  • 1948 : plaque apposée au 9, boulevard Frère Orban (maison détruite), dans la ville de sa jeunesse à Gand, à deux pas du Petit Béguinage ;
  • 1948 : plaque apposée au 8, Van Eyckplein à Bruges ;
  • 1999 : plaque apposée au 93, rue Berckmans à Saint-Gilles, commune de Bruxelles où il composa son premier recueil de qualité La Jeunesse blanche (1886) avant de monter à Paris.
Un médaillon d'Auguste Rodin à la mémoire de Rodenbach devait se dresser face au béguinage mais la ville de Bruges refusa le projet.
À TournaiCharlotte Besnard devait ciseler un buste du poète. À la suite de la mort du sculpteur, le projet n'aboutit pas. L'artiste réalisa cependant un surprenant tombeau expressionniste situé au cimetière du Père-Lachaise à Paris. Le monument funéraire, d'inspiration rosicrucienne et/ou martiniste, montre le poète sortant du tombeau, une rose à la main. Une croix templière est gravée dans la partie inférieure du tombeau6. Selon l'avis mortuaire paru dans la presse, le poète aurait dû être inhumé à Bruges.
Selon le témoignage de René Micha, l'écrivain japonais Yukio Mishima aurait relu Bruges-la-Morte peu avant son suicide.
Le Fonds Georges Rodenbach est consultable à la Bibliothèque royale de Belgique (section Archives et musée de la littérature). Son mobilier et une seconde partie de sa bibliothèque sont au Musée des Beaux-Arts de la même ville.
Né à Tournai, déclinant des thèmes flamands en langue française, comme Verhaeren, Georges Rodenbach, premier écrivain belge à réussir à Paris, résume à lui seul toutes les contradictions de la Belgique actuelle. Son cousin, le poète Albrecht Rodenbach, s'est d'ailleurs fait le chantre d'une émancipation de la Flandre.

Œuvres

  • Œuvre poétique 2 vol., Archives Karéline, 2008.
  • Le Foyer et les Champs, 1877, poésies, disponible sur Gallica.
  • Les Tristesses, 1879, poésies.
  • La Belgique 1830-1880, 1880, poème historique.
  • La Mer élégante, 1881, poésies, disponible sur Gallica.
  • L'Hiver mondain, éditions Henry Kistemaeckers, Bruxelles, 1884, poésies, disponiblesur Gallica.
  • Vers d'amour, 1884.
  • La Jeunesse blanche, 1886, poésies.
  • Le livre de Jésus, 1887 poème, publié à Paris en 1923 seulement .
  • Du Silence, 1888, repr. Le règne du silence, Paris, 1891, poème.
  • L'Art en exil, 1889, essai.
  • Bruges-la-Morte, 1892, roman.
    • Traduit en néerlandais chez Standaard Uitgeverij, Brugge, die stille, et chez P.N. Van Kampen & Zoon Brugge-de-dode7.
    • Traduit en anglais (Éditeur Dedalus) par le poète Will Stone.
  • Le Voyage dans les yeux, 1893, poème.
  • Le Voile, drame, joué à la Comédie-Française le 21 mai 1894.
  • L'Agonie du soleil, (préface au recueil de Charles Guérin) 1894.
  • Musée de béguines, 1894, nouvelles.
  • Le Tombeau de Baudelaire, 1894.
  • La Vocation, 1895.
  • À propos de "Manette Salomon". L'Œuvre des Goncourt, 1896.
  • Les Tombeaux, 1896, disponible sur Gallica.
  • Les Vierges, 1896, disponible sur Gallica.
  • Les Vies encloses, 1896, poème.
  • Le Carillonneur, 1897, roman.
    • Traduit en néerlandais sous le titre De beiaardier.
    • Traduit en anglais sous le titre The Bells of Bruges.
  • Agonies de villes, 1897, essai.
  • Le Miroir du ciel natal, 1898, poème.
  • Le Mirage, adaptation théâtrale de son roman Bruges-la-Morte, 1900.
  • Le Rouet des brumes, contes posthumes, 1901.
  • Évocations, notice de Pierre Maes, La Renaissance du Livre, in-18°, 320 p., 1924.

Bibliographie

  • Christian Berg: L’Automne des idées. Symbolisme et décadence à la fin du xixe siècle en France et en Belgique. Études réunies par Kathleen Gyssels, Sabine Hillen, Luc Rasson et Isa Van Acker, Leuven, Peeters, coll. La République des Lettres, 2013.
  • Gorceix (Paul): Georges Rodenbach (1855-1898),Edité par Honoré Champion, 2006.
  • Patrick LaudeRodenbach, les décors de silence : essai sur la poésie de Georges Rodenbach, Bruxelles, éditions Labor, 1990 (ISBN 9782804005337)8.
  • Anny Bodson-Thomas: L'Esthétique de Georges Rodenbach, Edité par H. Vaillant-Carmanne, 1947.
  • Pierre Maes: Georges Rodenbach, Edité par Paris-Bruxelles. Eugène Figuière éditeur, 1926.
  • Le Monde de Rodenbach, études et documents réunis par Jean-Pierre Bertrand. Georges Rodenbach.

Liens externes


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Bruges-la-Morte
Bruges-la-Morte Frontispice Khnopff 1892.jpg
Couverture originale de 1892, comportant le motif de Fernand Khnopff.
LangueFrançais
AuteurGeorges Rodenbach
GenreRoman
Date de parution
Bruges-la-Morte est un roman de l'écrivain belge de langue française Georges Rodenbach (1855-1898), considéré comme un chef-d'œuvre du symbolisme, publié d'abord en feuilleton dans les colonnes du Figaro du 4 au , puis en volume en mai de la même année, chez Marpon & Flammarion (Paris), illustré de reproductions de photographies représentant divers aspects de la ville1.Cet ouvrage, dont le personnage central est la ville de Bruges elle-même, remporte un certain succès, rendant son auteur célèbre.Mais, pour avoir décrit, en français, Bruges, le cœur battant de la Flandre sous un aspect nostalgique et avoir mené campagne contre le projet de Bruges-port de mer (ou Zeebruges), Rodenbach est toujours, selon Tom Lanoyepersona non grata dans sa ville d'élection2alors qu'il a largement contribué à sa renommée, et donc à une partie de son regain économique.[interprétation personnelle]
Né à Tournai, déclinant des thèmes flamands en langue française, comme Verhaeren, Georges Rodenbach, premier écrivain belge à réussir à Parisannonce toutes les contradictions de la Belgique actuelle. Son cousin, le poète Albrecht Rodenbach était d'ailleurs l'un des chantres d'une Flandre nationaliste en voie d'émancipation.

L'œuvre

Image d'ouverture du récit.
L'édition originale de 1892 comporte une couverture illustrée par une reproduction d'un dessin de Fernand Khnopff et, à l'intérieur, tout au long du récit, des similigravures issues de prises de vue de la ville de Bruges ; ces 35 images ont été gravées par l'atelier Ch.-G. Petit et Cie, d'après des clichés des studios Lévy et Neurdein. Si elles ont été retouchées pour les besoins de l'impression à l'époque, néanmoins, elles appartiennent totalement au récit3.

L'avertissement

Dans l'avertissement placé en tête de son livre, Rodenbach écrit :
« Dans cette étude passionnelle, nous avons voulu aussi et principalement évoquer une Ville, la Ville comme un personnage essentiel, associé aux états d'âme, qui conseille, dissuade, détermine à agir. Ainsi, dans la réalité, cette Bruges, qu'il nous a plu d'élire, apparaît presque humaine… Un ascendant s'établit d'elle sur ceux qui y séjournent. Elle les façonne selon ses sites et ses cloches. Voilà ce que nous avons souhaité de suggérer : la Ville orientant une action ; ses paysages urbains, non plus seulement comme des toiles de fond, comme des thèmes descriptifs un peu arbitrairement choisis, mais liés à l'événement même du livre. C'est pourquoi il importe, puisque ces décors de Bruges collaborent aux péripéties, de les reproduire également ici, intercalés entre les pages : quais, rues désertes, vieilles demeures, canaux, béguinage, églises, orfèvrerie du culte, beffroi, afin que ceux qui nous liront subissent aussi la présence et l'influence de la Ville, éprouvent la contagion des eaux mieux voisines, sentent à leur tour l'ombre des hautes tours allongée sur le texte. »

Résumé

Hugues Viane, fuyant une ville « cosmopolite », probablement Paris, s'est fixé quai du Rosaire à Bruges. Il y mène, avec sa pieuse servante, une vie calme et retirée, cultivant sa douleur dans le souvenir de son épouse disparue. De celle-ci, il a conservé dans un coffret de cristal une tresse blonde qu’il vénère chaque jour. Ce n'est pas au hasard qu'il a choisi Bruges. Personnage principal et omniprésent, la cité s'associe à son chagrin, s'assimile même à la morte. Un soir, à la sortie de Notre-Dame, Hugues rencontre une jeune inconnue dont la ressemblance avec la défunte le remplit de stupeur. Il la prend en filature jusqu'au Théâtre. Là, il découvre que Jane Scott joue le rôle d’une danseuse dans Robert le Diable de Meyerbeer. En devenant son amant, il espère retrouver le bonheur qu'il a connu avec sa compagne. La ville austère lui reproche cette liaison scandaleuse… Le récit se termine en tragédie. Lors de la procession du Saint-Sang, Hugues Viane étrangle la comédienne avec la chevelure qu’elle a, sans le savoir, profanée.

Analyse

Roman de gare, thriller avant la lettre, poème en prose écrit dans une langue magistrale, mythe d'Orphée revisité, conte initiatique, Bruges-la-Morte, cette œuvre universelle, pièce maîtresse du symbolisme littéraire offre une pluralité d’interprétations qui continue de lui assurer un succès constant.
  • Est-ce un roman ou non ?
Le livre présente une série d'enjeux esthétiques et formels qui sont en lien avec la philosophie symboliste. Il y a cependant un problème de représentation, puisque le symbolisme se présente comme incapacité d'écrire un récit, il y a là un problème esthétique dans l'écriture d'un roman symbolique.
  • Ce que le livre dit :
Ce n'est pas un roman sur une histoire, mais bien le récit d'une ville. En lui donnant son titre, il lui accorde toute l'importance d'un personnage, car ceux-ci ne sont pas l'élément central du roman. Cela dit, le roman ne contredit pas les récits réalistes (qui vise une étude), mais il se fond avec le récit symbolique, qui lui se veut une étude des passions.
Le thème de la ville est donc le thème central du récit :
  1. Sert de paysage
  2. Sert de décor
  3. Sert de passion
Le roman met en scène un double discours qui vise l'étude des passions (donc étude il y a au sens réaliste) et le texte (texte au sens où se déroule une trame et des tissus circonstanciels).
Le roman en tant qu'étude aboutit ce faisant à un récit. Récit qui témoigne une impossibilité d'atteindre un idéal (p. 269 Bruges-la-morte, le meurtre de Jane). La seule possibilité du récit se trouve dans le thème de la mort. Par possibilité, comprenons l'atteinte de l'Idéal telle que vue par les symbolistes :
« La poésie symbolique cherche à vêtir l'Idée d'une forme sensible qui, néanmoins, ne serait pas son but à elle-même, mais qui, tout en servant à exprimer l'Idée, demeurerait sujette. L'Idée, à son tour, ne doit point se laisser voir privée des somptueuses simarres des analogies extérieures ; car le caractère essentiel de l'art symbolique consiste à ne jamais aller jusqu'à la concentration de l'Idée en soi. Ainsi, dans cet art, les tableaux de la nature, les actions des humains, tous les phénomènes concrets ne sauraient se manifester eux-mêmes ; ce sont là des apparences sensibles destinées à représenter leurs affinités ésotériques avec des Idées primordiales4. »
Hugues touche la mort et s'y perd à ne jamais complètement se perdre physiquement. Il est habité par des passions, notamment la tristesse, la mélancolie (qui est alimentée par le décor sombre de la ville et le monde physique), le ressentiment et l'amour. Il se perd dans ses passions et l'Idéal recherché est la mort. C'est pourquoi Jane s'offre comme possibilité. Elle est une copie conforme de la morte (la femme décédée de Hugues).
Hugues cherche à totaliser son expérience. Il recherche la totalisation paradigmatique, la répétition donne alors une unité totale, répétitions de mot, mais aussi de sens. Se répéter la morte, c'est vider le sens du symbole de la morte. Ce symbole est donc disposé à se remplir, c'est pourquoi Jane devient la figure analogique de la morte, puisqu'elle incarne une représentation parfaite de la défunte. Elle devient littéralement le symbole.

Thèmes

Adaptations

Rééditions

La première publication de Bruges-la-Morte a lieu, en , sous forme de feuilleton, dans Le Figaro ; elle est suivie, en juin de la même année, d'une seconde édition du texte, cette fois en volume, étoffée de deux chapitres supplémentaires (les VI et XI de l'édition actuelle), et des trente-cinq photographies de Bruges5.
Par la suite, les éditions en français suppriment une partie des images originales (en 1909, seules 19 images demeurent), puis, totalement à partir de 1910, les similigravures étant remplacées par des photos d'amateurs. En 1914, Flammarion renonce aux photos, et propose des dessins. La première édition à reprendre le dispositif texte-photos en respectant le choix de Rodenbach est celle d'Atlas Press, à Londres, pour la traduction anglaise de 1993. Il faut attendre l'édition en poche chez Garnier-Flammarion de 1998 pour retrouver, en français, l'exacte reproduction du récit accompagné de ses images6.

Cinéma

Le roman a été adapté trois fois au cinéma : en 1915 par Evgueni Bauer, sous le titre Rêves, en 1980 par Alain Dhénaut sous le titre de Bruges la morte, et en 1981 par Roland Verhavert sous le titre presque éponyme Brugge, die stille.
Dans un article publié dans Le Monde de Rodenbach7, Ana Gonzalez Salvador, directrice du Centre d'études pour la Belgique, a montré que le cinéaste Alfred Hitchcock s'est inspiré de Bruges-la-Morte, au travers du roman policier D'entre les morts de Boileau-Narcejac, pour son film Sueurs froides (Vertigo).

Opéra

Le roman a été adapté et mis en musique en 1920 par le compositeur autrichien Erich Wolfgang Korngold dans son opéra Die tote Stadt (La Ville morte).

Voir aussi

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Articles connexes

Liens externes

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