Texte proposé par Solange Bouvier
L’aventure des reliques de saint Marc
Quand les reliques de saint Marc voyageaient dans de la viande de porc
Mosaïque de la basilique Saint-Marc, à Venise
https://fr.aleteia.org/2017/04/25/quand-les-reliques-de-saint-marc-voyageaient-dans-de-la-viande-de-porc/
Sylvain Dorient - Publié le 25/04/17
Les reliques de l'apôtre fêté le 25 avril, venu évangéliser l'Égypte en 43 après Jésus Christ, auraient voyagé à Venise, à la barbe des musulmans… et des coptes.
Selon la tradition copte, saint Marc l’évangéliste a fondé en 43 une communauté chrétienne vivace en Égypte, où il serait mort martyr. Mais les Vénitiens affirment qu’ils lui doivent, eux aussi, leur foi chrétienne. Quelle que soit la réalité des prétentions vénitiennes, ce sont les coptes qui conservèrent en Égypte les reliques du saint, jusqu’à une expédition rocambolesque, menée en 827.
Le lion de saint Marc arrive en contrebande
Outre la dévotion populaire pour le saint, la possession des reliques de saint Marc représentait pour la ville de Venise un prestige considérable : Rome avait Pierre, elle aussi aurait « son apôtre ». Et ce prestige s’accompagnait de revenus financiers, générés par les pèlerins. Les mosaïques couvertes d’or de la basilique Saint-Marc de Venise racontent comment les reliques auraient rejoint Venise, avant que saint Marc, symbolisé par le lion auréolé, ailé, et posant la patte sur un livre, ne devienne l’emblème de la ville.
Un saint dans la soupe aux choux
En novembre 827, le Doge de Venise, Justiniano Partecipazio, demanda à Andrea il Torcellese de subtiliser les reliques. Celui-ci mit donc le cap sur l’Égypte, à bord d’un navire armé pour l’occasion, le « San-Nicola », contrevenant aux ordres de l’Empire byzantin qui interdisait tout commerce avec les musulmans. Il prenait aussi le risque d’être pris par les musulmans qui administraient l’Égypte. Parvenus à la chapelle du port de Bucoles, près d’Alexandrie, il parvient à dérober les reliques. Il les glisse ensuite dans un récipient contenant du chou et du porc, et elles échappent ainsi au contrôle des douaniers musulmans, qui ne peuvent pas se souiller au contact d’un animal « impur ». Le retour de l’équipage d’Andrea il Torcellese est triomphal, et toujours selon la tradition, il fait don de sa récompense, 100 livres d’argent, pour financer la construction de l’oratoire de l’église San Marco à Torcello.
.Un litige millénaire entre coptes et italiens
Mais, si toute l’opération a été menée aux dépens des Byzantins et des musulmans, les principaux perdants, dans cette affaire, sont les coptes, qui n’ont pas été consultés ! Ce vol de reliques a durablement empoisonné les relations entre chrétiens coptes et chrétiens italiens. Les papes coptes, au cours des siècles, ont entrepris des démarches auprès du Vatican pour que le fondateur de leur Église leur soit restitué. En fin de compte, c’est en 1968, sous les pontificats de Cyrille VI (1959-1971) et du pape Paul VI (1963-1978) qu’une partie des reliques fut restituée aux coptes. Le président Nasser, qui entretenait de bonnes relations avec Cyrille VI, fit du retour de ces reliques un événement national, fêté dans la presse, symbole de l’unité des citoyens. Pourtant, les reliques remises n’étaient pas les restes du saint, mais des reliques de contact, que le Vatican avait en sa possession. Les ossements de Marc, en supposant que la tradition dise vrai, demeurent donc dans la basilique Saint-Marc de Venise. Les Vénitiens ne sont pas prêts à laisser le saint protecteur de la ville quitter le repos de la Sérénissime !
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Reliques
Dieu à portée de main
Le culte des reliques a pris au Moyen Âge, en Occident, une dimension exceptionnelle. Il est apparu dès le IIe siècle, quand l’empire romain était encore en pleine vigueur (note).
Dans Trésors sacrés, un petit livre délicieux paru en 2018, l’historien Michel Pierre raconte les péripéties auxquelles la chasse et la vénération des reliques ont donné lieu pendant plus de quinze siècles dans la chrétienté. C’est de la lecture de ce livre qu’est sorti le présent article.
Les traces matérielles de la Foi
Tout commence donc au milieu du IIe siècle. À Smyrne (Asie mineure), le proconsul romain décide de sévir et, après avoir sacrifié quelques chrétiens aux bêtes féroces dans l’arène, il s’en prend au vieil évêque de la ville, Polycarpe, et l’envoie au bûcher.
« Nous recueillîmes ses ossements d’une plus grande valeur que les pierres précieuses, pour les déposer en un lieu convenable. C’est là que, dans la mesure du possible, nous nous réunirons dans la joie et l’allégresse, pour célébrer, avec l’aide du Seigneur, l’anniversaire du jour où Polycarpe est né à Dieu par le martyre », écrit l’une de ses ouailles. C’est le premier témoignage d’une dévotion populaire pour les reliques.
Le culte des reliques prend forme pour de bon deux siècles plus tard, quand Hélène, mère de l’empereur Constantin le Grand, se rend en Terre Sainte, à Jérusalem. Elle entame alors des fouilles pour retrouver des traces de la crucifixion du Christ. C'est ainsi qu'elle retrouve la Vraie Croix et d'autres instruments de la Passion !
Elle divise en trois les morceaux de bois. Les uns restent à Jérusalem dans une nouvelle basilique qui lui est dédiée, d’autres partent à Constantinople, les derniers enfin à Rome.
Des reliques et des saints pour intercéder auprès de Dieu
En 401, le concile de Carthage fiit obligation de célébrer la messe sur un autel renfermant des reliques.
À l’époque carolingienne, vers l’an 800, avec l’évangélisation en profondeur des campagnes, on se mit donc en quête de reliques pour les nouvelles églises, y compris dans les plus modestes villages, et, pour pourvoir à la demande, on eut vite fait d’invoquer la sainteté de tel prédicateur ou ermite des temps anciens dont la sépulture avoisinait le futur édifice.
Les tombeaux des saints devinrent très tôt des lieux de pèlerinage. Il n’est que de citer Saint-Martin-de-Tours, Sainte-Foy-de-Conques et surtout Saint-Jacques-de-Compostelle pour comprendre ce que pouvait être l’attrait des reliques et les déplacements de populations qu’elles engendrèrent.
Au besoin, on vole aussi des reliques pour sanctifier son village, son abbaye ou sa ville. C'est ce que fit tel moine de l'abbaye de Conques au milieu du IXe siècle. Il alla dérober à Agen les reliques de sainte Foy et les ramena dans sa chère abbaye dont elles firent très vite la renommée et la prospérité grâce à quelques miracles opportuns.
Un commerce de grande ampleur
Après l’An Mil, les reliques en vinrent à occuper une place prépondérante dans la société et le cœur des fidèles. Il n’est pas de corporation ou de métier qui ne veuille les siennes.
Dans les communautés villageoises et les paroisses urbaines, lors de la fête anniversaire du saint patron de l’église, on ne manque pas de sortir en procession ses reliques pour les présenter en « ostension » à la vénération des fidèles. On renouvelle aussi les ostensions dans les périodes de crise, en cas de disette, de maladie ou de guerre. Chacun demande alors au saint protecteur, de toute la force de sa foi, de bien vouloir intervenir auprès de Dieu pour que la communauté soit épargnée par le malheur.
La qualité des reliques importe beaucoup : dans une ville ou une abbaye, un saint patron réputé peut en effet attirer nombre de pèlerins et faire la fortune du lieu ! D’où la chasse aux reliques, qui prend parfois l’allure d’un polar ou la dimension d’une affaire d’État.
Par piété mais aussi par sens politique, le roi Louis IX, futur saint Louis, ambitionne de hisser sa capitale à la hauteur des grandes villes saintes du monde chrétien, Jérusalem, Byzance, Rome. Et pour cela, il va se porter acquéreur d'un morceau de la Vraie Croix et de quelques autres reliques de la Passion du Christ dont la Couronne d'épines ! Et il y met le prix : 135 000 livres, soit la moitié de son budget annuel. Il va encore dépenser 40 000 livres pour ériger sur l'île de la Cité un écrin qui leur soit digne. Ce sera la Sainte Chapelle, consacrée en 1248.
Ces montants permettent de mesurer l'ampleur du commerce des reliques au coeur du Moyen Âge... Bien évidemment, les sommes que n'hésitent pas à investir les fidèles et le haut clergé suscitent la convoitise des marchands, en premier lieu les Vénitiens qui ont vite fait de trouver en Orient des reliques prestigieuses et bien entendu « certifiées » authentiques.
Cela se comprend. La dévotion pour les reliques, passionnelle et touchante, exprime une aspiration universelle et ô combien humaine. Par la matérialité d’un objet que l’on peut toucher ou contempler tout en priant, elle permet d’approcher Dieu de façon point trop abstraite ni intellectuelle (tout le monde n’est pas Pascal !).
https://www.herodote.net/Dieu_a_portee_de_main-synthese-2491-118.php
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